Ghislaine Verdier

Ghislaine, quand et comment est née cette idée de femme à barbe ?
À la « faveur » d’un licenciement économique à 50 ans passés, je me suis demandé comment utiliser au mieux mes dernières années d’activité. Ma remise sur le marché du travail ne m’intéressait pas car je la pressentais difficile et douloureuse, en raison de mon âge, d’un parcours professionnel atypique et d’un goût immodéré pour l’indépendance ! J’ai donc mis en regard ce que je savais faire avec ce que j’aimais, et il est apparu évident que travailler avec des artistes était ma voie ( j’ai presque toujours travaillé dans le secteur culturel).  J’ai donc créé la société L’œil de la femme à barbe. Pour ce qui est de ce nom, je précise que j’ai toujours adoré les mots (j’ai une formation initiale littéraire) et  je leur confère un immense pouvoir. Il fallait donc que l’aventure soit entièrement contenue dans ce nom : mon propre caractère, les artistes que je représente (je me suis aperçue a posteriori que les œuvres qui m’intéressaient le plus étaient très majoritairement celles de femmes) et le nomadisme de mon activité (que je n’ai pas choisi au départ, mais qui me convient parfaitement pour la liberté qu’il procure). La femme à barbe représente pour moi l’archétype d’une femme forte et fière. Le port du pantalon n’étant plus l’apanage des hommes, une femme qui porte la barbe aujourd’hui est à mes yeux celle qui portait la culotte hier. Il s’agit aussi d’une référence à l’extraordinaire film Freaks de Tod Browning de 1932 (La monstrueuse parade en français) qui m’a marquée à vie quand je l’ai vu adolescente.
Aux personnes qui me demandent « mais vous vous êtes rasée aujourd’hui ? », je réponds toujours avec humour et malice que ce n’est pas nécessaire, car les femmes à barbe portent leurs attributs virils à l’intérieur… TOUS leurs attributs virils !
Quant à l’œil, c’est bien sûr celui que je porte sur l’art et que je partage avec le public.

Avais-tu déjà œuvré précédemment dans la cause des femmes ?
Je suis fille de militants, pour lesquels la défense des faibles et des opprimés est un devoir. J’ai sans doute tété les valeurs d’entraide, de justice et d’égalité avec le lait maternel. Déjà enfant, j’étais révoltée par toutes les injustices, et je ne me gênais pas pour le faire savoir ! Encore aujourd’hui, il m’arrive de me mettre dans des situations parfois délicates pour prendre la défense de personnes qu’on agresse pour leur couleur, leur sexe, leur âge, leur différence en général… La rue et les transports en commun sont des arènes permanentes. Je me sens très proche des mouvements féministes (entre autres) et je suis très à cheval sur les questions de respect et d’égalité… Être une femme, avec fierté et courage, c’est déjà œuvrer pour la cause des femmes au quotidien, à mon avis.

Ton rêve le plus fou…
À part devenir riche et célèbre, tu veux dire ? Sans doute pouvoir continuer avec la même vigueur pendant encore quelques dizaines d’années ! Et peut-être découvrir un-e jeune artiste inconnu-e qui deviendra Picasso ou Nikki de Saint Phalle…