Archives mensuelles : avril 2015

Le cœur peuplier

Dans la mythologie slave, Bouïane (en russe Буя́н) est une île légendaire, qui a la capacité d’apparaître et de disparaître à volonté. Trois frères y vivent : le Vent du Nord, le Vent d’Ouest et le Vent d’Est. Il s’y passe nombre d’évènements étranges. Kochtcheï l’Immortel y cache sa mort dans une aiguille à l’intérieur d’un œuf, dans un chêne mystique (l’Arbre du Monde). Ce chêne croît sur la Pierre-Alatyr, « père de toutes les pierres », désignant le centre du monde : qui saurait la trouver verrait tous ses désirs comblés.Peuplier de la rue des Pleus (photoSylvie Dallet)

Dans l’inspiration des Arts ForeZtiers,  pour un projet autour des métamorphoses d’Ovide (ici, la métamorphose des jeunes filles en peupliers) Vero Bene a conçu  et dessiné ce peuplier aux racines proches de l’eau, dont le tronc cache un cœur…  Cette légende du cœur de l’arbre tire ses racines d’un conte égyptien très ancien :   Le Conte des deux Frères (xve siècle avant notre ère) raconte que pour échapper à ses ennemis, le héros Bitiou place son cœur « au sommet de la fleur de l’Acacia. »

Comme un fragment de Desnos qui résonne  :

“Il était un arbre au bout de la branche
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur
Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.”

L’arbre de la science

Adam & Eve (Molas-mexique)
L’arbre de la science doit être approché avec respect : la science sans conscience n’est  que ruine de l’âme… Ici, le Milieu du Monde est un simple rectangle de tissu rouge que les Indiennes brodent de couleurs pour orner leurs vêtements de récits symboliques et raffinés.
Pura_Ayung(INDONESIA)
En Indonésie, les arbres blessés se réparent grâce aux constructions humaines… (photo Laurence Honnorat)

 

Mon Chêne

L’oeil du Chêne (photo Elizabeth Dallet)

“Mon chêne,  je te retrouve sous le soleil torride
Mon chêne lacéré par les crocs des chenilles
Qui me rend mon pays échappant sous le masque
Insulte maculée des fleurs à sa ligne aride
Subtil désert de volupté brûlante
Malgré le fouet bruissant des mouches acharnées
En brassées piétinant le silence de buse
Hier le vent du nord me poussait hors les cimes
Perdue étais-je dans le rire d’une terre
À sa vérité âpre,
Ingrate à l’étranger
Mon chêne se souvient d’une joie détruite
Mon chêne baise mes mains de ses feuilles meurtries
Avec lui fidèle, je retourne à moi-même”
Un poème de Pierre Ménanteau,   proposé par Elizabeth Dallet

Le Karagatchi kazakh, photographié par Lagan

Un arbre ancêtre au kazakhstan (photo Lagan)Autour de l’arbre-ancêtre du Kazakhstan, les arbres voisins sont courbés comme en révérence. Une légende racontée au  peintre Lagan,   rapporte  que  ce karagatch (un sycomore) est né du bâton qu’un sage a planté voici longtemps dans le sol de la vallée de Touch. Les personnes viennent visiter l’arbre millénaire, dont la ramure s’étend sur une circonférence énorme.

 les arbres voisins du grand Karagatch (sycomore)
Les arbres voisins du grand Karagatch (sycomore)  ne se tiennent pas droit
 Ces arbres sont inclinés en direction de l'arbre ancêtre, comme courbés en déférence ou attirés par sa force
Ces arbres sont tous inclinés en direction de l’arbre ancêtre, comme courbés en déférence ou attirés par sa force…

 

 

 

 

 

 

 

En langue kazakh, le chamane se dit “baksy” et cet espace d’Asie centrale se caractérise par  la baksylyk,  qui témoigne d’une subtile imprégnation des expériences chamaniques et les croyances islamiques. Cet arbre vénéré, le Karagatch, qui a donné son nom à la montagne proche est, selon Lagan qui l’a photographié,  un “Karagatchi “…Par extension phonétique, imaginons un kara-baksy, c’est à dire un chamane noir ou du Nord… ce qui  ramène à la puissance bénéfique de l’arbre immense de la vallée de Touch, au Nord du Kazakhstan.

Arbres ancêtres

 Cet arbre se dresse entre les mélèzes chinois et les séquoias, comme une paume ouverte. Que dit il avant de rejoindre l'humus profond ?
Cet arbre se dresse entre les mélèzes chinois et les séquoias, comme une paume ouverte. Que  nous dit-il avant de rejoindre l’humus profond ?
Un arbre ancêtre au kazakhstan (photo Lagan)
Cet arbre kazakh est devenu un lieu saint de méditation, encore vigoureux malgré ses branches ployées

 

 Cet arbre peint en bleu pour le conserver comme témoin  de la pollution humaine, est  désormais une oeuvre du musée de la Nature.
Cet arbre  d’Angers, peint en bleu pour le conserver comme témoin de la pollution humaine, est désormais une oeuvre du musée de la Nature.

Mélèze de mon Jardin, par Maryse Emel

C’était mon mélèze. Fort, robuste et au milieu du jardin. Probablement qu’il m’avait murmuré que ce lieu était le mien. Je m’y installais.
Il me donnait des racines sans que je ne l’aie jamais su. L’habitude de le voir dans ce quotidien sans doute avait transformé sa présence en absence. Il était là et je ne voyais rien.
Tellement élevé vers le ciel que tout le monde avait renoncé à remettre en cause cette grandeur exclusive. Les autres arbres faisaient profil bas.
Les jours de tempête il accompagnait les bourrasques du vent. Il m’effrayait aussi. Mais après il n’y avait plus qu’à ramasser les brindilles, les sécher et faire le feu dans la cheminée.
Il résistait à tout. Mes enfants couraient autour, jouant à des jeux d’enfants, invisibles aux adultes.
C’était mon mélèze.
Il est toujours là. Moi j’ai dû partir, découvrant alors soudain sa présence dans cette absence que j’avais choisie.
Il me donnait des racines, je n’en ai plus. On peut toujours se consoler en en appelant à la raison. Mais sur ce coup, impuissante la raison !
Je n’ai jamais su pourquoi sa présence ne cesse jamais de m’étreindre.
Je n’ai jamais réussi à me fixer comme disent trop de gens.
Le souvenir est là, je le vois, moi qui oublie si vite un passé qui m’incommode.
C’était mon mélèze. Je le sens très fort. D’autres que moi s’en approchent.
Moi, je pleure encore parfois.
Maryse Emel