Ce 26 mai 2018, Céline Mounier nous adresse une belle conversation avec l’artiste, scénariste et photographe Danielle Boisselier, qui va exposer des oeuvres inédites lors du prochain festival des Arts ForeZtiers. Cette plasticienne était présente au Festival 2016 et, fidèle à l’esprit de créativité foreztière, nous revient avec des expériences inédites de calligraphies, de voiles et de peintures sur bois.( https://danielleboisselier.com/ )
“Nous nous sommes donné rendez-vous par téléphone avec Danielle Boisselier un samedi après-midi alors que je sortais d’une exposition magnifique et inspirante d’un architecte japonais, Junya Ishigami. J’étais sur une terrasse de café bien agréable tandis que Danielle me racontait son art et me commentait des photos reçues dans ma boite mail peu avant. J’avais, ce jour-là, noté ceci, partagé sur la page Facebook des Arts Foreztiers : “de calligraphies volant au vent apparaissent des oiseaux”.
Céline Mounier : Danielle, je propose que nous commencions cette interview sur les calligraphies.
Danielle Boisselier : À la vérité, je peux raconter l’histoire de ma passion récurrente pour la naissance des écritures et leur développement dans les civilisations des cinq continents, les pictogrammes, les signes et les codes, leurs analogies avec les transformations actuelles, sauf que le temps était bien plus long et l’espace non planétaire. Mes expérimentations en calligraphie chinoise avec Chen Dehong et japonaise avec Shingai Tanaka viennent de là.
CM : Peux-tu en dire plus sur ces deux figures ?
DB : J’ai pratiqué la calligraphie chinoise avec l’artiste Chen Dehong et la calligraphie japonaise de 1999 à 2007 avec Shingai Tanaka. Chen Dehong travaille à Paris depuis 1982. Il mêle de façon singulière peinture et calligraphie. Pour le découvrir, L’empire du sens est un très beau livre. Shingai Tanaka, quant à lui, était président des calligraphes de Kyoto. Lui aussi est venu en France. Il a enseigné à Lyon. Il est décédé en 2007. Le musée de l’imprimerie de Lyon lui a fait un bel hommage en 2011, Hommage à Shingai Tanaka.
Voici mon hommage : Leçon avec Tanaka
CM : Tu écris des poèmes de cette expérience et en cela tu me fais penser à Henry Bauchau !
DB : Vraiment ? Tiens : « Voyages à la pointe du pinceau chargé d’encre,/le papier couché blanc est un espace ouvert,/les gris en mouvement sont autant de balises/sur un parcours sans fin…
/« Gestes pour célébrer l’instant,/pour accueillir l’inattendu,/tracer l’élan gratuit,/la liberté de l’éphémère…/« Le dessin comme une danse/
qui génère son espace en passant… »
CM : A partir de là, tu fais des découvertes et on dirait qu’elles t’étonnent toi-même ! Raconte !
DB : Un jour, j’ai peint une calligraphie sur de la soie. J’ai laissé voler cette soie au vent et c’est à ce moment que j’ai fait cette découverte : de calligraphies volant au vent apparaissent des oiseaux. J’ai trouvé cela fantastique et j’ai laissé voler des soies au vent. Bien sûr, une soie qui vole au vent est assez fragile alors je profite du vol au vent pour sortir mon appareil photo.
CM : Pour capturer “la liberté de l’éphémère” ?
DB : Oui, c’est sûrement cela. J’aime expérimenter des synthèses variées entre geste pictural et geste photographique. Le résultat en est souvent des installations ou environnements en rapport avec la nature et si possible implantés dans un milieu naturel, prétextes à photographie et à livres d’artistes. Ces installations privilégient les impressions digitales sur textiles variés, la soie, l’abaca, grâce aux nouvelles technologies qui permettent à la photographie de trouver un support souple et tactile.
CM : Tu parles des nouvelles technologies. Tu travailles tes photos avec le logiciel Photoshop un peu comme avec ton pinceau tu calligraphies…
DB : … regarde ces nuages :
CM : Je suis en train de lire L’art du présent d’Ariane Mnouchkine, et j’ai envie de te demander si le théâtre pourrait être un milieux pour tes installations.
DB : Tu ne crois pas si bien dire : j’ai produit des scénographies et des expositions pour des groupes de musique, des compagnies de théâtre et danse contemporaine.
CM : Cette année, le thème des Arts Foreztiers, c’est Bestiaire animalier. Comment ce thème résonne-t’il pour toi ?
DB : Je suis depuis longtemps admirative des inscriptions très anciennes, sur les vases en bronze de la troisième dynastie chinoise notamment et en particulier celle-ci : “nomenclature d’animaux” et leur évocation très vivante. J’ai une tenture pour l’extérieur qui permet de les présenter. Mes “doux délires zoomorphes” seront complétés par des bois peints.
CM : Merci Danielle, j’ai hâte de voir tout cela avec tous mes sens !