Archives annuelles : 2015

L’arbre et la pirogue de la paix (Cop 21)

Le 29 novembre en après-midi, les représentants des peuples premiers en Amérique latine ont organisé au Bois de Vincennes la cérémonie des 8000 tambours, afin d’inciter les participants de la COP 21 à abandonner les énergies fossiles pour réfléchir ensemble à une relation respectueuse à la Nature. Dans ce dimanche venté, quelque trois cent personnes se sont rassemblées pour chanter  et jouer du tambour ensemble, dédiant ainsi leur message de paix  et d’amour à toutes les nations de la Terre. La cérémonie associait autour d’un grand tambour rituel, un rouge arbre planté (sans doute un cornouiller sanguin, l’arbuste dont on fait les attrape-rêves) , un rosier blanc et des grains de maïs jaune, qui distribués à l’assemblée et  passés de main en main, ont été redonnés aux officiants pour qu’ils reviennent fraternellement sur les terres indiennes. La baguette dressée de l’officiant sur la photographie, symbolise l’alliance de même bois des peuples rouges, noirs, blancs et jaunes.

“Le jour ou 8000 Tambours résonneront à nouveau ensemble. Ce sera le début d’une véritable guérison de notre Mère Terre et de tous les êtres. L’unité, le respect, l’amour de compassion, le bonheur et la paix sur la Terre reviendra. “(prophétie Otomi Toltèque, 1521).

Le 8 décembre au lever du soleil, la communauté Kichwa de Sarayaku (Équateur) célébrait aussi un rituel de bénédiction dédié à Paris et à la nation française, en mettant à l’eau la pirogue  du “Poisson Colibri” qui, taillée dans un seul tronc, reliait symboliquement l’Amazone à la Seine.

pirogue poisson colibri
Navigation Quai de Loire (Paris le 8 décembre 2015),- photo Sylvie Dallet-

Un texte de Erri de Luca, traduit de l’italien par Danièle Valin.

Arbre en marche, dessin de Véro Béné
“Arbre en marche”, dessin de Véro Béné, présenté aux Arts Foreztiers 2015

“Les arbres marchent-ils ? A qui cette image est-elle venue à l’esprit ? Même si c’est invraisemblable, la réponse veut qu’elle soit sortie de la bouche d’un aveugle. Il l’était de naissance. Il connaissait les odeurs des arbres, les différents bruits de vague qu’ils font dans le vent selon la taille des feuilles. Il connaissait la consistance des troncs qu’il pouvait enlacer, et même leur ombre qui, pour un aveugle, est une caresse. Leur hauteur non, ni comment les nuages plongeaient dans leur feuillage. L’histoire peut se lire dans l’Evangile de Marc, le plus court des quatre, deuxième de la série. Le plus célèbre guérisseur de l’époque, Ieshu, de Nazareth, passait du côté de chez lui, dans la ville de Bethsaïde, district de Galilée. De ses doigts s’opéraient des guérisons, de ses bénédictions carrément de quoi manger. Un jour, de cinq petits pains et de deux poissons il était sorti de la nourriture pour cinq mille personnes, dont il resta plusieurs paniers. Un autre jour, il en avait distribué à quatre mille à partir d’aussi peu. Il en donnait plus qu’il n’était nécessaire, ainsi personne ne regrettait d’avoir recueilli la dernière portion.
Sa légende s’était répandue, expression qui n’admet pas l’incrédulité. Ieshu le Galiléen redressait les boiteux, guérissait la lèpre, donnait l’ouïe aux sourds, la parole aux muets, la vue aux aveugles. Ce n’étaient pas des prodiges considérables, comme celui du soleil arrêté dans le ciel par Josué, mais ils donnaient de la lumière à ceux qui étaient dans le noir même à midi.
A Bethsaïde, il prit l’aveugle par la main et l’emmena hors de la ville. Il cracha dans ses doigts et appliqua sa salive sur ses orbites mortes. C’était de cette salive qu’étaient pétries ses paroles nouvelles.
Il demanda à l’aveugle : «Que vois-tu ? – Je vois les hommes, des arbres qui marchent.»
Ce n’était pas la vue, tant s’en faut, mais la vision qu’il lui avait implantée. Il repassa ses doigts encore humides sur ses yeux qui venaient de s’ouvrir, pour qu’il ne passe pas pour fou après avoir été aveugle. Ieshu corrigea la dioptrie exagérée, seul cas dans sa carrière de miracle retouché, c’est-à-dire touché deux fois.
Des arbres qui marchent : cela reste la plus noble image associée à la figure humaine. Il fallait un aveugle pour la révéler. Ce fut une vision, non pas une prophétie. L’espèce humaine ne pourra parvenir à cette entente des arbres avec la Terre, le vent et les marées montées avec la Lune. Il restera un buisson qui défend ses centimètres au sol.”

Texte complet à cette adresse :
http://www.liberation.fr/planete/2015/11/16/erri-de-lucal-europe-est-une-foret-d-hommes-aux-especes-diverses_1413897

L’Arbre et l’Humanité

En 1985, le penseur Jiddu Krishnamurti  (1895-1986) écrit un texte magnifique  qui relie l’arbre et l’humanité, dans leur danse secrète et hologramme.

Il nous semble important, en ces jours de tristesse après les attentats de janvier et de novembre 2015, de murmurer  cette méditation qui nous rassemble :

“Près de la rivière, il y a un arbre que nous avons regardé jour après jour, pendant plusieurs semaines au lever du soleil. Quand l’astre s’élève lentement au dessus de l’horizon, au dessus du bois, l’are devient brusquement tout doré. Toutes ses feuilles résonnent de vie et vous voyez au fil des heures, une qualité extraordinaire émaner de lui (qui) semble s’étendre par tout le pays, au delà de la rivière. Le soleil monte encore un peu et les feuilles se mettent à frissonner,  à danser. Avant l’aube, l’arbre est sombre silencieux et distant, empreint de dignité. Au point du jour, les feuilles illuminées et dansantes, il vous donne le sentiment de percevoir une grande beauté. Vers midi son ombre est profonde, et vous pouvez vous y assoir, à l’abri du soleil. Alors s’établit un rapport profond, immuable et sécurisant, avec une liberté que seuls les arbres connaissent.

Vers le soir, quand le soleil se couchant illumine l’ouest, l’arbre peu à peu s’assombrit, se referme en lui-même. Le ciel est rouge, jaune, vert, mais l’arbre est silencieux, retranché, il se repose pour la nuit.

Si vous établissez un rapport avec lui, vous êtes en rapport avec l’humanité. Vous devenez responsable de cet arbre et de tous les arbres du monde. Mais si vous n’êtes pas en relation avec les êtres vivants e la terre, vous risquez de perdre votre rapport à l’humanité, aux êtres humains. Nous n’observons jamais profondément la qualité d’un arbre ; nous ne le touchons jamais  pour sentir sa solidité, la rugosité de son écorce, pour écouter le bruit qui lui est propre. Non pas le bruit du vent dans les feuilles, ni la brise du matin qui la fait bruiter, mais un son propre, le son du tronc et le son silencieux des racines. Il faut être extrèmement sensible pour entendre ce son. Ce n’est pas le bruit du monde du bavardage de la pensée, ni celui des querelles humaines et des guerres, mais le son propre de l’univers“.

Souvenirs de la préparation du Festival 2015

Marie Lafont

SD & MJG

Un Festival cela se vit et se prépare, d’autant plus que l’enjeu est fort : créer au centre du Monde, c’est à dire Chavaniac-Lafayette et le Forez un événement exceptionnel à expressions multiples (danse, création sonore, installations, films, vidéos, chant, peintures, tableau collectif …) et internationale. L’artiste designer Susan Lee est venue expressément de Taiwan pour participer des Arts ForeZtiers et les films ont été acheminés du Musée cinématographique de Nevers grâce aux bénévoles de Cinépassion et de l‘Atelier du 7ème art. Une atmosphère  collective à la fois studieuse et physique, qui a même mobilisé autour de l’oeuvre de Marie Lafont les étudiants des Beaux-Arts de Clermont.DSC_0163DSC_0157

Les artistes sont venus en résidence, qui dans les maisons amies, qui à l’hôtel ou dans des gîtes collectifs, plusieurs jours à l’avance pour préparer la manifestation dans son ampleur et sa diversité. La philosophie du Festival repose sur l’idéal, le respect de la nature et l’entraide. Chacun a été mis à contribution jusqu’à entrainer les scientifiques des Conservatoires voisins et les bonnes volontés de la Communauté de Communes. Trente personnes aidées par les cantonniers , des amis et la famille ont  érigé des installations, vérifié les câbles, repeint les garages,  cousu la toile du tableau collectif, imaginé des suspensions solides, organisé la buvette et la vente de sandwichs pour les passants (il n’y avait pas d’autre point-repas sur le village, autre que celui que nous avons improvisé pour la restauration collective). Vero eddy Pascal et Anne MarieNous avons même planté un arbre,

 Sylvie Dallet, Gilbert Schoon, Ivan Magrin Chagnolleau et MarieJo Geffray

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déplacé des tuiles, fait connaitre  la créativité patrimoniale d’Ambert  (Moulin Richard de bas) et de Brioude  (Hôtel de la Dentelle) aux artistes venus de loin, collecté des coquilles d’oeufs, peint dans la Nature, transporté de lourdes charges, déraciné du lierre, prié pour le temps reste au beau, fait du feu, partagé à 35 des repas conçus pour 25 couverts, chanté  et discuté en travaillant, balayé la cour, reçu les curieux, fait des photographies et bientôt des films… Une Ruche.

 

DSC_0182+DSC_0194Sylvie et l'arbre aux coeurs

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Susan Lee, vero Bene et Eddy Saint Martin
Eddy Saint Martin, Susan Lee et Vero Bene

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Le bocal qui cache la Forêt

Le bocal qui cache la forêt
Installation vidéo
Projection nocturne vendredi 28 et samedi 29 aout 2015
Arts foreZtiers 2015, Chavaniac-Lafayette
Conservatoire national botanique

 Parcours du public : départ du square, longer l’allée des pommiers remonter vers le cercle de pierre où les personnes sont invitées à rester. Le retour se fait par le même chemin.

Artistes :
Christophe Bédrossian, vidéaste
Yo, artiste plasticienne https://yobelmont.wordpress.com/
Hélène Hibou, artiste plasticienne http://www.helenehibou.com
L’installation Le bocal qui cache la forêt est un environnement visuel et sonore conçu en fonction du lieu. Au pied du bâtiment du Conservatoire national botanique dans un grand pré, le public est invité à s’installer dans une zone circulaire en contrebas, entourée de pierres sèches destinées à des plantations d’espèces végétales protégées. L’environnement sonore l’immerge peu à peu dans une attention curieuse qui relie la vidéo projetée sur la grande baie vitrée du bâtiment et une installation de bocaux et bouteilles fluorescents remplis d’éléments végétaux, animaux et autres curiosités. Un jeune arbre illuminé de rouge est au milieu faisant le lien entre la projection et l’installation au sol.
L’usage de la fluorescéine qui colore les liquides dans les bocaux renvoie à l’intervention humaine aux effets paradoxaux. L’environnement naturel est menacé… Ne risque t’on pas de ne connaître et admirer la nature que dans de petites zones protégées et des bocaux. C’est la contradiction de l’intervention humaine qui exploite ou détruit d’un côté et protège, étudie et soigne de l’autre. Cette installation montre l’arbre comme un être vivant qui respire et dont les ramifications s’épanouissent comme un réseau de vaisseaux sanguins. L’arbre rouge est un puissant symbole de l’homme originel. La nature est généreuse, vivace et foisonnante ; elle donne, offre sans contrepartie, sa richesse, sa beauté. La charge émotionnelle qu’elle suscite en nous, renvoie à cet équilibre jubilatoire –et si fragile- entre l’homme, l’enfant qu’il fut, la beauté et la nature.
Le temps d’une œuvre éphémère, dans un lieu qu’enveloppe la nuit, un rythme est donné par des sons et des images qui tissent l’imaginaire avec le réel.

Jingyi Zhu et le Tu di Gong de Susan Lee

YinghiZhue2 YinghiZhue1 LUnknown-5‘artiste Zhu n’a pu venir aux Arts ForeZtiers cette année mais il a confié son œuvre à  Susan Lee.
Pour les Arts Foreztiers, il a réalisé une frise en papier découpé peint en noir, qui représente une série de monstres, des fées, d’animaux fantasmagoriques chinois et des esprits… Ceux ci se déploient dans le ciel de Chavaniac, en surplomb du Conservatoire botanique, avec la vue dégagée sur Paulhaguet.
Susan Lee a choisi l’arbre qui porte cette frise ; ses branches supportent la frise qui s’entrelace désormais au gré du vent.

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Pour la garder flottante, Susan a imaginé un système de contrepoids avec des formules de prières bouddhistes. Elle crée un petit autel  de dévotion au génie qui  envoie sa bénédiction sur Chavaniac , transposé du Tu di Gong chinois qui protège chaque lieu en Chine. Ce Tu di Gong bénéfique  apporte par son sourire et sa présence bienveillante la paix et la prospérité sur le pays et ses habitants. La vue enchanteresse du pays de Lafayette le remplit de joie et le vent qui secoue les branches lui apporte la douceur dont il a besoin pour envoyer à chacun des bienfaits….

À travers les enchevêtrements, retrouver les traces de flux.

La nature pour les artistes est un sujet de contemplation et l’occasion d’élaborer une pensée personnelle. Mais aujourd’hui, il faut me semble-t-il, y ajouter une réflexion sur les stratégies de résistance et de guérison.

Que pouvons-nous faire devant la perte du sens et les ravages de la financiarisation ?
Devant le danger, la nature crée ses solutions de survie.
La création artistique permet d’expérimenter certaines procédures qu’emploie la nature pour se régénérer. Elle élabore petit à petit une conscience qui ne fait pas que réfléchir la nature, elle la pénètre de l’intérieur pour la comprendre et s’en faire une force alliée.
Ma série des Fougères est une tentative de cet acabit. Cette série de fusains et de peintures est une méditation sur la création inaugurée il y a trente ans, qui continue à interroger la formation du visible et le renforcement du vivant. Cela se traduit par une revitalisation de la matière, une régénération de la forme et de l’espace.Fougères-au-soleil-titrée-Branche-de-hêtre-au-soleil-titrée-
Quand le chaos hypnotise les sens et immobilise l’esprit, rester simple. Malgré la complexité, attendre de percevoir la géométrie des choses. À travers les enchevêtrements, retrouver les traces de flux. Court-circuiter l’incompréhensible en s’installant dans le non savoir. Vivre le geste pictural, sentir la plante. Être, comprendre plutôt que représenter.
La vitalité émerge alors par la touche pulsive, le sens de la forme. La matière respire dans l’interpénétration des matériaux hétérogènes. Au hasard des rencontres, la couleur et la matière ordonnent le passage mystérieux du visible. Des multiples couches de ce chaos sensible émerge le trajet lisible et puissant de la sève.
Pour appréhender le désordre des Fougères j’utilise les fractales de Mandelbrot. La fractale est une forme complexe, qui se déploie à l’identique du tout petit au plus grand. Son arborescence passe avec aisance d’une échelle à l’autre, de la terminaison végétale à la feuille, de la branche à la plante sans autre transformation que le développement infini de l’arborescence.
Ce développement majestueux n’est-il pas la source d’une régénération infinie ?

Martine Salzmann

Le centre du monde par Suzy Tchang

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Le centre du monde.

 L’artiste peintre Suzy Tchang nous adresse ces mots qui accompagnent son magnifique tableau, créé pour les Arts ForeZtiers 2015 :

Le centre est le début de tout – c’est peut être aussi la fin.
“Tout dépend du point de vue duquel on se place,
et de l’importance qu’on accorde à la chose par rapport à l’idée que l’on s’en fait (cf. Jérome Glorie).
La légende des œuvres par les artistes fait hausser les sourcils de plus d’un.
Décrypter le Sensible afin de rendre l’œuvre ainsi expliquée accessible.
Nous y voilà !
Mon arbre, mon Centre, m’est apparu comme une apparition, une illumination presque sans prévenir, et mon travail d’artiste a consisté surtout à coller le plus possible à cette vision.
C’est le jeu du paradoxe: confronter et sentir l’écart entre deux phénomènes :
La densité du centre – la légèreté du vide.
La lumière éclatante – l’ombre presque inexistante.
La texture des branches – transparence de l’air.
Les branches épaisses aux couleurs indéfinissables – l’exactitude et la finesse d’autres.
L’expansion des branches – l’attraction circulaire.

Arrêtons de tout vouloir expliquer et laissons nous porter par nos sensations, laissons la porte ouverte à nos émotions, voilà un bon exercice accessible à qui accepte de se laisser surprendre.

“Le centre du Monde”, acrylique sur toile, pigments, blanc de Meudon.
217 X 267 cm. crée pour  les Arts Foreztiers 2015, sera présenté à Chavaniac lors du festival.

Le grand micocoulier, paysage aux souhaits par Enki Dou (et Hiroshige)

Le micocoulier (genre Celtis) est un arbre qui pousse d’Asie en Europe sous des latitudes tempérées. Sa capacité à croitre par branches à trois fourches l’associe traditionnellement aux travaux et aux outils des champs et ses fruits sont très appréciés des enfants et des oiseaux. Dès le Moyen-Âge, associé à la religion, tel en témoigne son étymologie occitane de « bois sacré », le micocoulier était planté à côté d’une chapelle, d’une église (il servait souvent de clocher) ou d’un monastère : de ce fait, il devint souvent « l’arbre à palabres » du village, garant de sa longévité.

Au XIXe siècle, de l’autre côté du monde, le graveur japonais Hiroshige met en scène l’apparition des esprits-renards de feu autour de l’arbre micocoulier (estampe 118 Cent vus d’Edo, septembre 1857). Cette information shintoïste, transmise par le Blog De paysage et paysage (article « Le renard blanc ») rédigé par un flâneur poète, Enki Dou, du nom du compagnon sauvage et sincère (n’est-ce pas la même chose ?) de Gilgamesh, dont l’épopée amicale  fonde la mythique mésopotamienne.
Le contemporain Enki Dou analyse ainsi l’estampe d’Hiroshige, replaçant le micocoulier au centre du monde des souhaits de bonheur et de prospérité, associé à l’année qui commence : « Dans cette composition nocturne, sous un ciel gris bleuâtre parsemé d’étoiles, des renards phosphorescents au-dessus desquels planaient de mystérieuses fumerolles sont réunis au pied d’un grand micocoulier (enoki) à Ôji, au nord d’Edo, près du sanctuaire shintô d’Inari, la divinité du riz. L’attention est concentrée sur ce groupe près de l’arbre au premier plan, cependant qu’à une certaine distance apparaissent plusieurs autres renards qui se dirigent vers le premier groupe mais qui ne sont encore que de petits points lumineux perdus dans le fond de l’image. L’intense luminosité autour des renards contraste fortement avec l’obscurité nocturne et donne un effet dramatique et mystérieux à la scène.

D’après la légende, les renards, messagers d’Inari et gardiens du temple, étaient dotés de pouvoirs surnaturels.  Ils étaient censés se réunir avec leurs forces magiques sous cet arbre la nuit du dernier jour de l’année pour adorer Inari afin de protéger la récolte et conjurer le mauvais sort; alors émanaient d’eux des feux follets qui brûlaient à leur côté comme autant de flambeaux alimentés par leur haleine. C’était le moment pour les paysans de formuler des vœux : du nombre de renards et de la forme de leurs fumeroles dépendait l’abondance de la récolte à venir. Les paysans se rendaient ensuite au sanctuaire d’Ōji Inari (ou Shōzoku Inari), où le dieu leur confiait différentes tâches à accomplir pendant la nouvelle année. Lorsque mourut le grand arbre de l’époque de Hiroshige, les habitants décidèrent d’en planter un nouveau vénéré de nos jours encore. »