Juillet 2020, fiertés

Le festival des Arts foreZtiers a eu lieu en juillet 2020, au sortir du premier confinement, dans l’été inquiet et heureux à la fois. Le thème était « la forêt nourricière ».

Le festival s’est tenu dans le bonheur de retrouvailles attendues, dans un désir intense de chanter et de danser. Une danse tribale, une danse qui se tente. Il s’est tenu resserré sur la Ferme Saint-Eloi, la buvette avec ses mets délicieux et fins s’étant montée tout contre la maison, le jardin devenant amphithéâtre et scène de spectacle. De timide et fraiche, la météo s’est faite pleinement solaire et chaude. C’était l’été dans toute sa splendeur.

Caméra au poing, Gabriel, jeune homme de quinze ans, allait à la rencontre des artistes. J’interviewais les artistes, il filmait. Quelques temps plus tard, il s’est attelé au montage et il a produit cette vidéo. Il n’a pas pu filmer tous les artistes mais sa vidéo nous donne un bon aperçu de la diversité de cette édition 2020 des Arts foreZtiers dont nous pouvons être fiers.

Fierté de faire vivre un festival quand tant d’autres n’ont pas eu lieu. Fierté d’avoir créé des scènes ouvertes de culture. Fierté d’avoir réuni des artistes de différents horizons même si certains n’ont pas pu traverser des frontières. Fierté de défendre la « forêt nourricière », « forest as common » ai-je envie de dire.

La forêt des Bishnoïs

La communauté Bishnoï a été fondée au Rajasthan autour de 1500dans les régions de  Jodhpur et de Bîkâner. Son guide premier est Jambaji (14511536) qui, durant toute sa vie a élaboré 29  (bishnoï en hindi) principes de vie que cette communauté indienne non-violente respecte  la lettre.  La philosophie de cette communauté résulte de l’observation du cycle de l’eau et des arbres, gardiens de la vie même du monde. De ce fait,  tout ce qui permet la vie et la transmission de celle-ci importe plus que toute croyance  religieuse spécifique. Les versets que récitent régulièrement les Bishnoïs expriment cette volonté de libérer l’âme et le corps de toute servitude religieuse ou intellectuelle,  tel que résume cette profession de foi :  « Je n’ai jamais été disciple d’une école pour demander la connaissance. Mais j’ai su la piété en consacrant mon moi à Dieu.  (…)[1]

La volonté d’épargner et de protéger toutes les créatures, animaux (dont les hommes) et végétaux, le refus de mutiler ni de tuer un végétal est une règle, même pour s’alimenter. Le bois de chauffage, pour exemple doit être ramassé mort et  aucune branche ne doit être arrachée ni même élaguée. Un des principes le rappelle fermement : « « si un arbre peut être sauvé, même au prix de la tête de quelqu’un, cela en vaut la peine ».

Historiquement, cette communauté de proscrits de la fin du XVème siècle s’était regroupée près du désert du Thar, dans une zone fragilisée par les guerres et la déforestation abusive liée au commerce du bois et les incinérations mortuaires. Ces errants ont mis en commun une réflexion collective et ont édicté des règles simples de respect du vivant. Parmi ces principes, la femme qui donne la vie est particulièrement respectée : elle jouit d’un mois de repos complet après l’accouchement et de cinq jours pendant ses règles. Vivant librement, elles peuvent se remarier, alors que dans l’Inde ancienne, les veuves devaient s’immoler par le feu après le décès de l’époux. La distinction entre « mâle » et « femelle » n’a pas grande importance pour ces penseurs, panseurs du monde. Cependant la robe des femmes est rouge pour symboliser le vivant, tandis que les vêtements masculins sont blancs pour souligner leur désir de pureté. Pudeur, simplicité, refus des commérages, non-violence, les modes de vie communautaires vont de pair avec l’infini respect qu’ils portent au vivant.

Aujourd’hui, cette communauté forte de quelque 800 000 personnes s’implante, au delà du désert du Thar dans des villes indiennes. De fait, la morale libertaire et non violente des Bishnoïs suscite une regain d’attention qui dépasse les frontières indiennes : après le reportage photographique de Franck Vogel, l’écrivaine française Irène Frain leur consacre un livre important [2]qui retrace leur histoire, des origines jusqu’au massacre mythique en 1730 où à la suite d’Amrita Devi et de ses filles, les Bishnoïs enlacèrent les arbres que le souverain de Jodhpur demandaient de couper pour construire un nouveau palais.

À cette époque, 363 personnes furent décapitées, lors de cette confrontation entre des soldats avides de gain et les villageois qui allèrent au martyre calmement, suscitant au fil des meurtres l’admiration ou l’effroi des sbires qui fracassaient à la fois les corps et les branches. Depuis cette épisode de la résistance, où femmes, vieillards et enfants périrent, la forêt des Bishnoïs est reconnue pour forêt sacrée en Inde, avec un titre de propriété qui perdure depuis deux siècles. Quatre vingt années plus tard, les arbres abattus qui formaient les centres des villages, les khejris (cousins des mimosas et des acacias), emblèmes du Rajasthan, ont été replantés et forment, dans un alignement régulier, un sanctuaire où chaque année, les Bishnoïs viennent honorer leurs paisibles martyrs. Et les gazelles revenues continuent à chercher de la tendresse auprès des femmes bishnoïs.

 En résumé de l’aventure des Bishnoïs, qui témoigne de mon attention aux récits littéraires et photographiques d’Irène Frain et Franck Vogel et, je voudrais citer une parole d’un des rescapés de la Shoah, le sculpteur Shelomo Selinger, polonais de naissance, puis naturalisé franco-israëlien :

 “La vie est plus sacrée que Dieu, s’il existe”… ou, disons le sur une autre pensée, cette vie fugitive est l’étincelle divine que le vivant transporte sur d’infinis possibles. 

Sylvie DALLET

 Bibliographie succincte : 

                                                                   


[1]Verset 6 : On peut prendre naissance en tant qu’Hindou : et être un yogi par l’endurance, être un brahmane par des œuvres pures, sacrées, être un derviche (ascète) par le cœur pur, être un mollah par la retenue du moi et par des pensées religieuses, et être un vrai musulman par l’intellect et en suivant les enseignements du prophète. »

[2]Irène Frain, La forêt des 29, Poche, 2012

Aimer les furtives

Un article de Céline Mounier.

L’été 2019, j’ai lu Les furtifs d’Alain Damasio. J’ai beaucoup aimé ce roman de science-fiction. J’ai été captivée par le personnage de Lorca, l’un des personnages principaux du roman. Dans ce roman, il y a des sons, de la musique, c’est un roman musical. D’ailleurs, un disque associé au roman est sorti avec à la guitare Yan Péchin. Peu de temps après avoir lu le roman, j’ai eu la chance de voir sur scène Alain Damasio et Yan Péchin. Voici un extrait des deux artistes sur YouTube. Une occasion de retrouver Lorca et d’aimer encore plus les furtives. Oui, ainsi au féminin.

Lorca est sociologue dans un laboratoire qui étudie les furtifs. Les furtifs sont comme des sortes d’animaux ou des forces d’énergie vivante, ils sont entre les deux. Géographiquement, dans tout le roman, on se trouve dans le sud de la France sur les bords du Rhône, dans une ville et sur les îles sauvages et pleines d’alluvions que charrie le fleuve.

Dans une bibliothèque, Lorca se concentre sur l’empreinte musicale. « Quelle empreinte ? Une forme de polyphonie rythmique des échanges, faite de salves et de contrepoints, scandée par des syncopes, des cris de matière, des petits pas, des appels, nappée du bois qui mute. Un jeu presque, qui s’en dégageait à force de lier par les oreilles ce qui semblait d’abord parfaitement et délibérément disjoint. Ça faisait penser à un jazz très expérimental, voire à de la musique concrète, imprévisible bien sûr, sans cadence ni temps pulsé, mais dont l’unité cependant finissait par être sensible. Sensible grâce à la texture très proche de la plupart des sons qui tous réfractaient la matière dominante du lieu où les furtifs constamment puisaient pour se transformer. Dans cette bibliothèque par exemple, le son texturait le papier, le cuir des reliures et le bois moderne des étagères, qui ne pouvaient qu’être le cœur des métamorphoses physiques. » (page 105). Il écoute les furtifs.

Le frisson est le souffle du furtif. « Et ce frisson ne prend corps et force qu’en se confrontant au monde concret. Il en a besoin, il y plonge et il y vibre » (page 328). Il y a là une ritournelle vitale. Le furtif est élan de vie. « A l’image du son, le furtif ne connaît pas d’état arrêté. L’imprévu est sa nature. Tous deux, furtif et son, relèvent de la transformation perpétuelle, impossible à bloquer, à fixer. En reconstitution permanente, ils sont l’autopoïèse dans sa plus pure expression, à savoir l’autofabrication agile de soi. » Ils sont du son et comme en danse permanente, leur empreinte laisse comme des traces qui ressemblent à des tags. Les furtifs écrivent des glyphes, des sortes de tags.

Photo prise à Avignon, une lumière trait furtif à l’annonce du soir

Lorca et son équipe vont à la rencontre d’une communauté de femmes aveugles dans une grotte. Elles expliquent le fonctionnement de leur cerveau, ce qui, par analogie pourra permettre de comprendre les furtifs : « Notre cerveau neuronal et nerveux est davantage disponible, disons, à des phénomènes physiques comme les ondes, l’accumulation de chaleur, l’humidité de l’air, un frémissement de tension… Par exemple, je peux sentir votre buée se dilater quand vous parlez, puis se dissiper doucement. Les furtives ont un impact spatial éminemment discret, hormis qu’elles bougent et se transforment sans cesse, si bien qu’une aura de présence se dégage malgré elles. » (page 223). Les furtifs seraient des furtives.

Elles seraient à la source du vivant. Lorca s’entretient quelque temps plus tard avec un scientifique : « Supposons que l’ADN ne soit pas l’essence du vivant. Mais juste un support de codage et d’expression de gènes. Et qu’il existe, plus profondément, autre chose qui informe les primes pulsations de la vie. Mon intuition est que le vivant est fondé sur des pulsations. Mon intuition est que le vivant est fondé que des partitions. Dès le stade la cellule. Des partitions vibratoires. J’entends par là : des séquences rythmiques de vibrations, ce que vous appelez vous le frisson mais que je conçois comme des modes d’agitation moléculaire. » (page 402).

En bon ethnologue impliqué, Lorca aime son milieu. On retrouve de l’énergie de l’enquête ethnographique du film L’étreinte du Serpent quand le personnage Karamakate accepte de chercher la yakruna qui guérit et permettrait d’apprendre à rêver. Lorca est comme emporté par une énergie digne de la musique du Sacre du Printemps de Stravinsky. Côtoyer les furtifs le rend de plus en plus souple, de plus en plus alerte. En même temps, il porte un regard critique sur la société des années 2040 avec ses « technococons » et autres « intechtes » qui façonnent un certain rapport à la cité, aux autres, à la consommation, aux loisirs et à l’autorité. Dans la société d’alors, chacun est replié sur soi et l’ordre économique gouverne l’ordre politique. Il épouse jusqu’à l’engagement total les causes de mouvements contestataires qu’il observe dans la société d’alors, froide et technicisée, avec des taxiles et ses vendiants.

Lorca découvre que des enfants peuvent muter furtifs. Le temps passe, Lorca devient de plus en plus furtif. Et il se sent bien mieux furtif. Recouvrer de la liberté, c’est devenir furtif.

Il part sur une île sur le Rhône, vit alors au sein d’une communauté dans la nature, « l’eau est partout. Elle glisse autour de l’île sans bruit, nappe à motif de ciel pour qui y jette un regard de surface. Mais si on descend dans la sensation, surtout la nuit, comme là, le volume en mouvement devient palpable ; presque angoissant. Tu ressens la masse pleine, et épaisse, et faussement lisse, qui à tout moment charrie des milliers de mètres cubes d’alluvions et d’organismes, de neige fondue et de pluies rassemblées. » (page 183).

Tout autant que la furtivité, l’animalité, la joie des corps qui se meuvent avec liberté. Lorca est emporté par des mouvements de vie, par tout ce qui échappe aux « routines du confort mort » (page 610), au « rapport de domination technolibéral » (page 618). Sentir la tension d’une tyrolienne entre des immeubles, sentir l’air des hauteurs de la ville, le corps qui est fluide, alerte et agile. « Il a cette fibre en lui de la fuite, cet instinct d’échapper aux pouvoirs, à la vision. » (page. 294)

Le sentiment sublime de décoller du sol. « Sa vivacité avait quelque chose de surprenant. Le furtif a du végétal, de l’animal. Une vivante inventivité de la voix. « Que c’était beau de l’entendre jongler avec la vitesse des éléments, le dénivelé et le moelleux d’un bois, la lenteur subite de l’écoute, tendue, et l’accélération chapechutée de ses pattes sur un lapiaz trop exposé, qu’elle griffait çà et là, à la façon d’une truelle sur un plâtre à lisser. » (page 481).

Je raconte maintenant quelles cordes en moi ce personnage touche. Je suis sociologue et j’ai toujours considéré qu’il faut aimer les univers que l’on étudie, que ceci n’est pas un vilain défaut que viendrait rappeler à l’ordre la recherche de la sacro-sainte objectivité. Je suis sociologue employée dans une grande entreprise et je dirais que je suis fière de la manière dont j’y exerce mon métier. Mon maître en sociologie, Renaud Sainsaulieu, me disait un jour que les sociologues sont des gens en colère contre la société, en recherche d’une société meilleure ou de bouts de société meilleure sur la base d’une analyse fine de ce que la société fait de mal à des personnes ou à des énergies, ou ce qu’elle ne fait pas assez pour libérer des énergies créatrices.

Souvent, j’observe et je suis partie prenante à la fois des lieux que j’étudie et des projets que des collectifs portent. Aujourd’hui, je me sens bien dans des espaces où on danse, où on chante libres dans la ville, où on imagine pouvoir planter des arbres, des forêts urbaines, où la vivacité se déploie avec douceurs et couleurs.

Le Rhône plein d’alluvions

Le personnage de Lorca représente alors un idéal, je deviens envieuse de sa capacité à devenir furtif et c’est là que la fiction est forte : elle donne terriblement envie de vivre sur les îles qu’il y a sur le Rhône, songeons à l’île en face d’Avignon, elle donne envie de créer des tyroliennes entre les bâtiments hauts des villes. Elle ravive ce désir que j’avais écrit dans un poème il y a longtemps. Depuis cette lecture, je photographie la ville différemment, je me sens prête à passer d’une vie cérébrale qui a longtemps été la mienne à un engagement sur un projet de permaculture, j’ai osé créer un spectacle au Festival des Arts foreZtiers !

Lecture de quelques extraits du chapitre 23 intitulé « Skymweg »

Éthiques & mythes de la création, retour sur le Festival 2020

Entre juillet et septembre, la communication sur le Festival des Arts Foreztiers s’est surtout exprimée parle médium de Facebook. Nous revenons à un moment parisien du 3 octobre 2020 qui nous permettra de faire un premier bilan du Festival 2020 riche en émotions et en découvertes.

Cet événement est organisé par l‘Institut Charles Cros, créateur, puis partenaire du Festival et le Centre d’Histoire culturelle des Sociétés contemporaines (Université de Paris Saclay). Il s’agit d’une rencontre du séminaire « Éthiques & mythes de la création », qui, animée pr Sylvie Dallet, professeure des universités (présidente de l’Institut Charles Cros et du Festival) se déroulera le 3 octobre 2020

Site de référence : http://www.institut-charles-cros.eu

au 24 rue des écoles à Paris, de 10 à13 heures.

Pourquoi cette première rencontre ?

Le séminaire ÉTHIQUES et MYTHES de la CRÉATION (EMC) explore l’imaginaire qui préside à la création des savoirs.Pour ce faire, il conjugue concrètement des expériences artistiques et de terrain avec des exposés théoriques dans une perspective de compréhension globale des processus créatifs.

Cette confrontation transdisciplinaire associe les images, les sons avec les diverses formes de l’écrit, désormais transformés par les arts de l’enregistrement, qui sont des relais. Notre société démultiplie ces relais, qui sont des échos, des matières à narcissisme, mais aussi qui contribuent à réinventer des liens de proximité, enchâssés  dans notre existence par des processus mythiques. Il convient d’examiner cette fluidité mythique qui se transforme et perdure au travers des médias. Pourquoi associer l’éthique avec la création ?  ’éthique est une dynamique forte qui conjugue les arts, les sciences et la perception que chacun se fait de la construction des savoirs et du vivre-ensemble. L’éthique devient la ressource secrète de la création, dans une démultiplication d’aventures, de figures et de postures paradoxales, de la communion à la transgression des valeurs.

Le séminaire Éthiques & mythes de la création, présenté par l’Institut Charles Crosetle Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines(EA 2448, université de Versailles St-Quentin, UVSQ),  correspond à un rendez-vous scientifique pérenne, lié au projet international de recherche «Éthiques de la Création».  

Le séminaire se déroule dans l’espace Harmattan, 24 rue des écoles à Paris, dans le respect des gestes barrière.

Pour toute question et inscription (le séminaire est d’entrée libre, dans la limite des places disponibles),  courriel : sylvie.dallet@uvsq.fr

Samedi 3 octobre                           

Séance :« Résistances culturelles à la pandémie (l’exemple du Festival des Arts Foreztiers) » séance de matinée de 10 heures à 13 heures.              

         La séance du 3 octobre 2020 fait le point sur la dynamique du Festival de création des Arts Foreztiers,maintenu sur le village de Chavaniac-Lafayette en juillet 2020 malgré les inquiétudes institutionnelles liées à la circulation de la pandémie. Cette résistance à la peur a suscité une véritable expérience collective artistique et de parole autour du thème : La forêt nourricière. Ce Festival de plein air a, en effet,  réuni un public enthousiasteautour d’une soixantaine d’artistes et conférenciers. Le séminaire Éthiques & mythes de la création a, pour cette occasion,  été délocalisé dans le village, autour de quatre conférences spécialisées.
En convergence, le séminaire du 3 octobre accueille aussi  une conférence russe sur l’expérience de Tseh Knigi, atelier de livres d’artistes liées à l’espace forestier.

 

  • introductionSylvie DALLET  :  « La forêt nourricière, ses mythes et ses enjeux. Le Festival des Arts Foreztiers et sa légitimité culturelle et environnementale en période de crises et de contraintes sanitaires.  Le rôle du site internet  (www. lesartsforeztiers.eu) et des relais Facebook » 

Sylvie Dallet a fondé le Festival des Arts Foreztiers en 2010 sur un village altiligérien de montagne. Cette manifestation estival se déroule en biennale        sur différents lieux ouverts du village et réunit artistes et conférenciers autour de thèmes lié à la forêt : L’arbre du milieu du monde, Bestiaire enchanté, botaniques célestes et en 2020, La forêt nourricière…

Sylvie Dallet, professeure des universités (Arts) est, par ailleurs, membre du Conseil d’orientation, de recherche et de prospective (CORP) de la Fédération des Parcs Naturels Régionaux.

Les témoignages sur l’expérience des Arts Foreztiers  depuis dix ans: certains artistes seront présents (Virginie BOURSETTE, Albert DAVID, Bérengère d’ORSAY, Olga KATAEVA-ROCHFORD, Céline MOUNIER, Élisabeth TOUPET….)

                   Une présentation d’un collectif russe  TSEH KNIGI, un Atelier de livres d’artistes ( http://www.laforesta.co/visual-strolls, par Sara MAGAMBETOVA, cofondatrice de ce collectif, peintre, scénariste et écrivaine, passionnée de céramique et de travail du bois. La galerie web des deux artistes fondatrices, correspond à une réflexion collective sur les forêts. 

Festival des Arts Foreztiers, programme

 Le Festival de création des Arts ForeZtiers explore les expressions artistiques qui témoignent du respect envers la forêt et le Forez, dans la diversité des expressions contemporaines (arts plastiques, danse, photographie, vidéo, film, installations, musique, poésie, etc…). De 17 au 20 juillet, le thème de la Forêt nourricière est à l’honneur par une cinquantaine d’artistes exposants et conférenciers.

En juillet 2020, le Festival fête son dixième anniversaire …. un programme un peu modifié en raison de la pandémie( pas d’invitations internationales), mais encore plus stimulant pour nous faire réfléchir …

Plusieurs lieux du village de Chavaniac-Lafayette (43) en salles ouvertes et en extérieur, dont le jardin de la Ferme Saint Éloi, les entrepôts du Prévent et la salle des fêtes accueillent les œuvres, des performances et installations, une buvette, un espace de plein air pour les ateliers de lecture ou de création.

Les visiteurs déambulent naturellement d’un lieu à un autre, un bénévole (souvent l’artiste lui-même) se consacre, sur certaines plages horaires, à l’accompagnement de visiteurs en leur présentant les différents événements et œuvres, dans le respect des gestes barrière (et mise à disposition de gel et masques).

Expositions

sur les différents lieux du Festival……

La galerie terres d’Aligre, dédiée à la céramique contemporaine et aux métiers d’art, présente une exposition collective sur le thème de La Forêt Nourricière.

Chaque artiste s’est emparé du thème avec sa démarche créative personnelle, son univers esthétique et ses savoir-faire : assiettes et plats décorées façon Forêt Nourricière, sculptures d’arbres, de graines, bogues, faînes et autres gibiers ! Des œuvres murales ou à disposer comme chemin de table… Une projection vidéo « des Marches » de Lou Perdu sera projetée en en continu.

Dans la salle des fêtes de 10h à 19h, du vendredi 17 au lundi 20 juillet 2020.

Exposition de photographies liées aux métiers du bois : en coordination avec le thème du Festival, l’association mémoire de Chavaniac Lafayette,  Adrienne & Eugénie présentera des photographies liées aux métiers du bois.

Gustave Courtet présente dans la cour gazonnée de la salle des fêtes les samedi 18 et dimanche 19, une démonstration de moissonneuse miniature de sa création.

Salle des Fêtes : de 10 heures à 19 heures du vendredi 17 au lundi 20 juillet.

Expositions des œuvres plastiques et sculptures, installations et vidéos

Ferme Saint Éloi et remises & entrepôts du Prévent

Tous ces espaces sont soit en plein air, soit ouverts largement pour permettre la promenade devant les oeuvres.

Librairie :

La librairie terres d’Aligre présente un choix de livres sur le thème du festival. Les livres de la Clairière sont prêtés par la Bibliothèque de Montreuil.

Dans la salle des fêtes de 10h à 19h, du vendredi 17 au lundi 20 juillet 2020.

Animations créatives :

La situation du festival, en déambulation libre,  nous semble propice à expérimenter de nouvelles pratiques, une autre approche pour se déplacer, rencontrer et échanger avec les autres, se croiser, attendre son tour à la buvette… gestes si ordinaires que nous accomplissons spontanément, automatiquement et qui tout à coup doivent être incarnés, pensés, reconsidérés dans la distance. Nous devons partager une culture d’après la pandémie, dans le respect des gestes barrière comme une nouvelle danse…

En journée :

S’il te plait, lis-moi cette histoire…

À la Clairière, les jeunes et moins jeunes enfants peuvent retrouver ou découvrir l’univers imaginaire de la forêt à travers les contes, les histoires, les images et de belles illustrations. Ils pourront lire, feuilleter et… demander à Claire de leur lire l’histoire qu’ils auront choisie.

Dans le jardin devant la salle des fêtes de 10h30 à 12h30 et de 15h30 à 17h30, du vendredi 17 au lundi 20 juillet 2020.

Des Marches

Depuis plusieurs années lors de ses promenades dans la forêt Lou Perdu réalise de courtes vidéos.Elle a mis au point un scénario qu’on retrouve dans chacune des séquences.  L’appareil photographique, dirigé vers le sol, est tenu avec les deux mains au niveau du ventre. La vidéo débute par une vue du sol et de ses pieds. Puis Lou se met en marche et lève petit à petit son objectif jusqu’à la dernière image qui clôt la séquence.

Dans la salle des fêtes, vidéos en boucle de 10h à 19h du vendredi 17 au lundi 20 juillet 2 et exposition de photos.

Promenade Biopoétique

Cette promenade au travers le village sera animée par le conteur et biologiste Christian GrenouilletFleur de Centaure qui nous fait découvrir des végétaux ignorés. Cette déambulation inspirée ne doit pas dépasser trente personnes.

Rendez-vous  dimanche 19 juillet à 11 heures, Ferme Saint Éloi. La promenade contée dure environ 80 minutes, participation 10 euros par adulte.

Inscriptions : artsforeztiers@orange.fr

Peindre ensemble

Un classique des Arts Foreztiers depuis sept années… le grand tableau collectif du dimanche 19 juilleten après-midi rassemble les artistes avec le public, convié de participer au tableau collectif, conçu sur le thème de l’année.

Jardin de la salle des Fêtes.

Animation peintures tuiles « Visages de l’Humanité » animé par Martine Guitton.

Jardin ferme Saint Éloi, matinées.

Visite guidée de l’exposition, en présence des artistes, par une conférencière du SMAT Pays d’Art et d’Histoire

Rendez vous Ferme Saint Éloi samedi 18 juillet, à 14 heures 30

En  fin de journée et soirée

Animations musicales de plein air

Le samedi 18 

Des chants avec Céline Mounier ; des musiques électroniques inspirées de l’énergie des plantes avec Albert David.

Ferme Saint Éloi (jardin) à partir de 18 heures 30

Le dimanche 19

Kora, piano et marionnettes, avec Zakaria, Ahmad Ouedraogo, Fabien Auréjac

Ferme Saint Éloi (jardin)  à partir de 18 heures 30.

Des conférences / dialogues

Rencontres et dialogues sur l’alimentation, métiers du bois, déforestation & cultures industrielles, forêt des contes, femmes & forêts….

Les  conférences se déroulent à 16 heures, à la Ferme Saint Éloi en plein air où, s’il pleut, dans les entrepôts ouverts du Prévent.

La promenade et la cueillette sont des activités qui expriment notre désir de garder ou retrouver le lien avec « des choses simples ». Certaines se sont transmises à travers les siècles : reconnaître les plantes comestibles des non comestibles ! D’autres notions ont en partie disparu : éviter la cueillette excessive, choisir le meilleur moment pour cueillir…

Vendredi : « Cueillir la montagne »

Le sociologue spécialiste de la Margeride, Martin de la Soudière abordera différents aspects de la cueillette et les différentes facettes des cueilleurs / cueilleuses d’aujourd’hui. Il parlera des myrtilles, des champignons, des lichens… Son livre « Cueillir la Montagne » (coécrit avec Raphaël Larrère) est un de ses premiers ouvrages. les textes seront lus par le comédien Gérard Lefort.

Samedi : «  Femmes & forêts, les mythes »

Sylvie Dallet, professeure des universités (arts) , autrice, membre de la Société internationale de Mythanalyse et du Conseil d’Orientation, de recherche et de Prospective de la Fédération des Parcs Naturels Régionaux,  amorce un dialogue sur les femmes et les contes & récits de la forêt. Sylvie Dallet a crée le Festival des Arts Foreztiers en 2010. En 2020, les deux tiers des artistes qui exposent ou performent au Festival des Arts Foreztiers sont des créatrices.

Dimanche : « Une Forêt jardinée »

L’association « Et Pourquoi pas » (Blassac- Haute Loire) sur l’art et la manière de s’y lancer… Comment concevoir et préparer une forêt jardin. 

En la présence de Nathalie Boudoul, vice-présidente du Parc Naturel Régional du Livradois Forez, qui compte la commune de Chavaniac Lafayette parmi ses membres.

Lundi : « Sylviculture et transformation du sauvage»

Avec Gautier Blanc, technicien au Centre régional de la Propriété forestière (Communauté de Communes des Rives du Haut Allier). Il abordera les métiers du bois et de la régénération forestière.

Artistes, conférenciers et partenaires

Les numéros ( ) correspondent aux départements d’origine des artistes

ARTISTES EXPOSÉS

Sculptures céramiques

Cécile Auréjac (43), Dominique Bajard (42), Nicole Crestou (18), Céline Danet (77), Jean-Michel Doix (89), Fany G (18), Émilie Gavet (18), Jocelyne Guérin (19), Marie-Pierre Lamy (76), Élise Lefebvre (87), Blandine Leroudier (42), Céline Linossier (43), Bérengère d’Orsay (75), Isabelle Poupinel (75), Mélodie Meslet-Tourneux (67), Marie Rancillac (75), Marlène Réquier (91), Marie-Lucie Trinquant (89), Magali Wagner (69)

Sculptures métal, bois et textile

Rosine Astorgue champignons tissés, Matthias Cazin et Zetwal découpe tôles (43), Gustave Courtet (43), Élisabeth Toupet tissages & textiles herbes (28), Yzo (sculptures métal et écorces) (07)

Plasticiens (techniques mixtes)

Véro Béné (43), Virginie Boursette (42), Magali Cazo (75), Lou le Cabellec (75), Diane Cazelles (43), Sylvie Dallet (43), Tamara Ivanda (43),Olga Kataeva (95), Félix Monsonis (43), Mélanie Pasquier (49), Fabienne Recanzone (43), Eddy Saint-Martin (43), Suzy Tchang (75)

Photographies, installations, Musiques, Poétiques

Fabien Auréjac, Danielle Boisselier (69), Albert David (94), Faezeh Firoozi (75), Lou Perdu (75), Marie Lafont (43), Pascal Masson (43), Ahmad Ouedraogo (43), Céline Mounier (94), Zakaria (63)…

Animations et Conférences

Lou Perdu (75)  : vidéos « Des Marches »

Claire Blatchley (93) : « S’il te plait, lis moi cette histoire, la Clairière »

Christian Grenouillet (43) : « Promenade biopoétique »

Martine Guitton : ateliers enfants tuiles/forêt nourricière

Martin de la Soudière : « Cueillir la montagne »

Association « Et Pourquoi pas ? »

Gautier Blanc, Centre Régional de la propriété forestière des Rives du Haut Allier et PNR Livradois-Forez

Sylvie Dallet, Présidente du Festival.

PARTENAIRES

Association « Adrienne & Eugénie » (43) 

Centre Régional de la propriété forestière de la Communauté de Communes des Rives du Haut Allier (43)

Institut Charles Cros (www.institut-charles-cros.eu)  (93)

Institut Universitaire Technologie –MMI Champs sur Marne (77) – affiche réalisée par Jules Cointrel.

CHCSC/Université Paris Saclay (94) 

Bibliothèque de Montreuil (93

Moulin Richard de bas (www.richardedebas.fr) (63) 

Parc Naturel Régional du Livradois-Forez

Terres d’Aligre (terres-d-aligre.over-blog.com) (terresdaligre@orange.fr) (75)

Vivadesign (43)

Le Festival, espéré

Nous suivons les annonces du déconfinement avec toute l’attention nécessaire. Cependant, nous ne pourrons cette année accueillir les artistes internationaux comme nous souhaitions le faire.

Pour notre dixième anniversaire, nous espérons que les collectivités locales nous apportent un vrai soutien afin de relancer l’action culturelle,  dans une déambulation libre et inspirée par ce nouveau thème de l’actualité :

FORÊT NOURRICÈRE…

Un projet s’élabore sur le thème du banquet, avec notre partenaire la galerie d’art et de céramiques Terres d’Aligre (Myriam Bürgi) , avec qui nous avions déjà travaillé en 2018. Les céramistes sont déjà à l’ouvrage : Cécile Aurejac, Nicole Crestou, Jean-Michel Doix, Fany G, Jocelyne Guérin, Marie-Pierre Lamy, Blandine Leroudier, Céline Linossier, Marie Rancillac, Émilie Gavet, Élise Lefèvre, Berengère d’Orsay, Mélodie Meslet-Tourneux, Marlène Requier, Marie-Lucie Trinquant, Magali Wagner, ….

Les nouveaux venus de la Forêt nourricière, peintres et plasticiens préparent leurs oeuvres : Virginie Boursette, Natacha de Badké, Magali Cazo, Clara Crespin, Faezeh Firoozi, Tamara Ivanda, Lou le Cabellec, , Matthias Cazin, Mélanie Pasquier, Yzo, Pierre Vermersch….

Et les conteurs, performeurs, liseurs tels quepierre vrmesch Claire Blatchley (« récits de la Clairière »), Christian Grenouillet (« Promenade biopoétique »), Nicole Barrière, Martine Guitton (« ateliers foreztiers »)..

Des films et des vidéos, avec Carole Contant, Lou Perdu, Vidéoformes….

Des années précédentes, nous reviennent Félix Monsonis, Olga Kataeva, Véro Béné, Pascal Masson, Danielle Boisselier, Albert David, Céline Mounier, Sylvie Dallet, Elisabeth Toupet, Rosine Astorgue, Fabienne Recanzone, Eddy Saint Martin, Suzy Tchang….

Nos partenaires : Crédit Mutuel, Terre d’Aligre, librairie La Grenouille, Hôtel de la dentelle, Moulin Richard de bas, Panoramique auvergnat, Viva design, Zetwal… nous contacter sur le mail : artsforeztiers@orange.fr

Les étudiants ont crée des affiches extrêmement inventives dont celles ci, très expressives et difficiles à départager : créations de Jules Cointrel (affiche qui a été choisie pour annoncer le Festival) , de Michelle O’Brien, d’Emma Guiglioni, d’Antoine Assanvo, de Mélodie Chan, d’Aubin Olivrie, de Virgile Mendes, de Julie Saint Martin, de Yasmine Kourichi

Vos pouvez nous écrire pour donner votre avis sur ces créations !

Des jardins-forêts désirables et désirés en ville

Une cour d’immeuble à Berlin

Le temps présent m’invite à arpenter mes 3,14 kilomètres carrés ! Je regarde la nature urbaine. Je regarde des jardins cultivés et repère où il pourrait y avoir des lieux pour des jardins-forêts. Je songe à Delhi, aux actions de forestation urbaine. Je songe à Détroit, où j’étais partie en voyage grâce à Bénédicte Manier dans Un million de révolutions tranquilles. Les villes doivent être nourricières. Je plonge dans la mémoire de mon ordinateur et je retourne à Montréal, où les arbres libres dépassent bien des maisons dans certains quartiers. Puis flashback à Berlin, ville aimée pour ses friches et ses espaces où la nature va sauvageonne. Je me remémore des jardins de la proche ceinture parisienne, ceux des mignonnes de Montreuil, des pêches. Souvenir d’une photo de ces murs à pêches, bâtis de telle sorte que les fruits bénéficient de la bonne chaleur pour arriver à maturité tout en étant abrités du vent !

Des jardins-forêts peuplent des villes et des campagne. Ils sont présents près des habitations. Ils sont forêts gourmandes et forêts militantes. Dans Jardins-forêts de Fabrice Desjours, je lis : « Les jardins-forêts sont comme des spectacles vivants, des pièces de théâtre comestibles où chaque figurant végétal prend sa place et développe son potentiel à mesure du déroulé des saisons… Tout change et tout est impermanent dans ces espaces où se mêlent à l’infini le sauvage et le domestiqué, dans ces espaces qui ont pour seuls metteurs en scène le temps et la créativité ».

Photo du livre Jardins-forêts de Fabrice Dejours, ouvert aux pages 38 et 39

Le jardin-forêt repose sur une conception du monde basé sur l’hortus. Cela signifie en latin « jardin luxuriant, richesse et ressources ». L’hortus est un espace étagé où règne la densité et la diversité. Dans les années 1960, Robert Hart a été un pionnier en Angleterre. Il est allé chercher son inspiration sous les tropiques. Le principe est qu’y sont implantés des arbres nourriciers, des arbustes, des buissons, des légumes vivaces, des plantes aromatiques et médicinales, des légumes-racines, des champignons et des lianes. La recherche est celles des interactions positives. Chaque jardin-forêt est unique. Cela invite à penser qu’un jardin-forêt est une œuvre d’art.

Je pense qu’il existe un réseau des jardins-forêts urbaines en lisant Désir de villes d’Eric Orsenna et Nicolas Gilsoul et Genres urbains, un livre qui rassemble plusieurs textes autour d’Annie Fourcaut. Lisons ce qui suit avec la même énergie que l’auteur du roman Les furtifs, Alain Damasio, d’un passage où il est question d’une libération joyeuse.

À Ramallah, s’inspirant d’un projet de l’architecte Alejandro Aravena, un squelette devient arbre béton avec des dents creuses. Une dent creuse peut devenir chambre ou jardin. Concevons des jardins-forêts dans quelques dents creuses. A Bordeaux, une agence acquiert des terrains clés pour les préserver de l’urbanisation et la Nature devient ainsi un Bien Commun. A Montréal, objectif Canopée sur la ville, la santé des arbres est surveillée par drones et des jardiniers sont invités à retourner « cultiver l’asphalte ». Des villes-arbres sont en projet près de Nanjing. L’architecte Stefano Boeri est confiant à ce sujet. Il est l’architecte du Bosco Verticale de Milan. Entre Saint-Denis et Sainte-Marie de la Réunion, la forêt jardinée est orientée nord-sud et les habitations sont resserrées. À Suresnes, Henri Sellier adoptait le principe de cité-jardins, « des modes d’aménagement esthétiques » de l’habitat. New-York fait naître une forêt sur les débris des Twin Towers tandis qu’à Rio de Janeiro, un ancien dépotoir à ciel ouvert s’est métamorphosé en jardin botanique écologique. À Metz, la Seille qui était busée et enterrée, réenchante la ville et conquiert la faune. A Helsinski, les forêts ont résisté à la pression urbaine grâce en partie à une ville construite sous terre. Il faut savoir que Helsinski se planifie dans son épaisseur. Tenez, le ministère de l’Agriculture et des Forêts travaille sur une cartographie cadastrale en trois dimensions. Des architectes, des habitants jardiniers et des jardiniers de métier, des employés concepteurs des services publics des territoires, des développeurs, des géographes-paysagistes transforment ensemble des villes en plusieurs points du globe. Les artistes hackent la ville sous ses voies de métro aériens, sur son béton et dans la forêt urbaine comme les danseurs de la troupe de Pina Bauch magnifiquement mis en scène par Wim Venders dans Pina. Ils tracent des promenades comme autant de fils entre les espaces.

Photo prise au pied de là où j’habite

Me voilà avec le désir de hacker les friches en ville. Peut-être que les maires qui aiment les arbres pourraient-ils acheter les terrains en friches achetables pour créer des forêts-jardins. Des conseils de copropriétés pourraient transformer des parkings enlaidissant en espace de forêt-jardin. Des AMAP pourraient se convertir aux forêts-jardins. Je me plais à y rêver quand je arpente mes 3,14 kilomètres carrés en toute proche banlieue parisienne.

Jardin actuellement fermé à Malakoff

A partir de là, j’imagine une association de cueilleurs et cueilleuses et de chefs et cheffes cuisto cuisinant les récoltes. A Mumbay, il y a le réseau des dabbawallah, un des plus efficace au monde de distribution. Lisez ce billet par exemple. Le « fait maison » pourrait être un « fait à la maison d’à côté de la forêt-jardins ». Uber cyclistes, pourquoi ne pas devenir des « wallah cyclistes » ?

Feuilles du confinement : les Hemos

Nous sommes confinés en nos murs, les nôtres et nos réseaux sociaux, la forêt resplendit, la pollution s’abaisse et les animaux curieux de notre comportement se hasardent dans les villes : cerfs en Grande Bretagne, sangliers à Fontainebleau et à Barcelone, canards avenue de l’Opéra à Paris, il n’est pas de jour où un oiseau étonné vient gazouiller à nos fenêtres. Le vivant vient à nos portes, curieux de l’expérience que le virus nous apporte.

Au Japon les cerfs sont sortis du parc de Nara pour excursionner en ville, tandis qu’à Carnac, les cygnes et les cervidés explorent nos plages désertes. En Malaisie, des groupes de singes affamés, naguère nourris par les touristes, parcourent les rues, n’hésitant pas rentrer dans des commerces aux portes disjointes. En Pays de Galles, des chèvres baguenaudent la nuit sur les jardins des cottages, se régalant des fleurs. Au Sri Lanka, le cerf axis se hasarde en ville, d’un pas assuré.

Les cerfs migrants de Richmond Park prennent possession des jardins de Londres et, en France, on a photographié hier deux téméraires qui exploraient la banlieue de Boissy Saint-Léger.

« C’est une parenthèse enchantée dans la relation entre l’Homme et la nature », souligne Pierre Dubreuil, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB). Le ralentissement sans précédent des activités humaines profite à la biodiversité. Dans la capitale, la chute des pollutions de l’air, sonore et lumineuse « permet par exemple aux oiseaux de mieux réguler leur rythme journalier, d’avoir moins de stress », explique Pénélope Komitès, adjointe à la maire de Paris en charge de la biodiversité et des espaces verts. « Avant, ils devaient décaler leur chant à cause du bruit des activités humaines dès six heures du matin. ». Anne Drevon, qui vit rue Montorgueil au coeur de Paris, nous raconte qu’elle entend son quartier, naguère le haut lieu de l’épicerie de bouche, redevenir forêt sonore.

Sur les routes, la diminution drastique de la circulation devrait largement profiter aux amphibiens, se réjouit Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) : « Des dizaines de milliers de crapauds et grenouilles sont écrasées chaque année, surtout en période de reproduction en février et mars, donc moins de voitures signifie moins de collisions, espère-t-il. Idem pour les hérissons, dont 1,8 million meurent tous les ans sous nos voitures. » Les conducteurs et promeneurs se font plus rares, mais également les chasseurs. « Dans un premier temps, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) semblait avoir obtenu du ministère des possibles dérogations en cas d’“enjeu sanitaire”, par exemple contre les sangliers ou les corbeaux », dénonce Madline Reynaud, de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas). À la suite de protestations multiples, la chasse a finalement été totalement interdite, ainsi que le piégeage, le gardiennage et l’agrainage du gibier.

Un article très documenté de Lorène Lavocat pour le journal en ligne Reporterre, rappelle que « le coronavirus aurait été transmis aux humains à travers le pangolin et par une espèce de chauve-souris, dont les habitats sont peu à peu détruits par la déforestation. Du fait de la destruction des écosystèmes, « des animaux sauvages se retrouvent de plus en plus sur des territoires restreints, en contact plus souvent que prévu avec les humains et leurs animaux domestiques,résume Serge Morand, écologue spécialiste des liens entre biodiversité et épidémies. « Des contacts improbables se créent entre les humains, leurs animaux domestiques et des bactéries ou virus qui vivent avec la faune sauvage, avec des possibilités de passage accrues vers l’animal domestique et l’humain. » Reporterre reviendra dans les prochains jours sur les leçons écologiques à tirer de l’épidémie. « L’épidémie ne révèle rien, mais elle nous met dans une posture où l’on ne peut plus faire comme si on ne savait pas », conclut Vinciane Despret, anthropologue et autrice de Habiter en oiseaux (Actes Sud, 2019). »

À Chambord, biches, balbuzards et aigles bottés reprennent leurs territoires paisiblement, sans l’afflux des touristes qui les avaient fait fuir. Des paons se promènent à Rézé. À Courchevel dans les Alpes, on a vu un loup explorer les pistes de ski. Dans le parc des Calanques, hérons cendrés et fous de bassan, osent s’aventurer sur des espaces humains, désormais déshumanisés par le retrait des hommes. Des témoignages affluent d’oiseaux de nuit sur les fenêtres, de renards près des habitations, de pumas qui déambulent, comme à Santiago du Chili.

Deux paons à Rézé


Les villes occidentales sont devenues en quelques semaines les improbables zoos que les animaux, par un subit retournement viennent visiter. Changeons donc le mot de Zoo, impropre puisque sa racine vient du grec « animal », en Hemo, ce vieux mot latin qui a donné humus, la terre. Les Hemos seront donc désormais ces lieux où les animaux viennent contempler les hommes confinés qui, par un étonnant retour, attendent cette improbable visite pour la commenter sur les réseaux sociaux.

Mais qu’arrivera t’il lorsque nous oserons retourner dans les rues et les forêts qui sont leur territoire ? Les chasseurs et la police vont ils accepter ces animaux en liberté dans le tissu urbain ? Et ne pouvons nous pas désormais, nous inspirer du modèle indien qui accepte la cohabitation urbaine avec les animaux ? Le Canada, l’Angleterre, les pays nordiques esquissent quelques timides acceptations d’animaux dans les parcs, mais qu’en sera t’il du reste du monde ?

Un puma égaré à Santiago du Chili

Pour recueillir des informations sur la cohabitation des animaux et des humains en Inde, cf. le blog de l’autrice Bénédicte Manier (un article de 2017)

http:/lindeaufildesroutes.blogspot.com/2017/09/cohabiter-avec-les autres-especes.html

Une dernière chose : pour nous écrire, nous les confinés qui espérons la forêt : artsforeztiers@orange.fr

N’hésitez pas à nous adresser vos expériences de la vie sauvage qui se renouvelle sous vos yeux et vos oreilles. Et préparons ensemble le thème du prochain Festival des ARTS FOREZTIERS : Forêt nourricière du 17 au 20 juillet 200..
Les villes deviendront elles, pour un temps, la forêt des bêtes ?

Parlons de forestation urbaine et de reforestation périurbaine

Il est des livres qui comptent. « Made in India », de Bénédicte Manier, en fait partie. Ce livre est à lire comme un récit de voyage d’une femme qui va à la rencontre de personnes qui entreprennent des choses bien pour la nature, les gens, les femmes et les forêts. Il faut le lire avec une carte de l’Inde sous les yeux et voyager avec les doigts. Quand j’ai lu ce livre, j’ai dit à mes garçons : « Nous irons en Inde, nous planterons des arbres ! » J’ai dit cela à Bénédicte en sachant que nous avons décidé de partir en avril. Bénédicte s’est gentiment moquée de moi en me disant que planter des arbres au plus chaud de l’année est un non-sens. Nous sommes allés à la rencontre de personnes qui nous ont raconté leurs actions de forestation urbaine, à Delhi et à Bangalore, et de reforestation périurbaine, autour de Pondichéry. Nous avions commencé à faire leur connaissance en lisant « Made in India ».

A Delhi, Vimlendu Jha a fondé Sweccha. Vimlendu se définit comme un « entrepreneur social, écologiste et fou de design ». Il était jeune, étudiant, il se promenait sur les bords de la Yamuna, le fleuve qui passe contre Delhi, pleine de déchets. Il organise un grand nettoyage, il entreprend de planter des arbres nourriciers en ville.

En parallèle, Vimlendu organise des ateliers de recyclage. Il a aussi lancé une application Million Kitchen qui permet à des femmes de livrer des repas. La « ville comestible » peut devenir havre de résonance. De nouveaux espaces s’ouvrent alors pour un être-au-monde plus doux. Au moment où j’écris ces lignes il faut songer qu’à Delhi, quand on regarde la météo sur son téléphone portable, on y lit « very unhealthy air ». Ces nouveaux espaces urbains sont vitaux, des morceaux de forêts qui mitent la ville. Ces initiatives créent du souffle, de l’ombre, de quoi manger et imaginer des romances à l’ombre de pommiers. Je songe aussi aux bâoli, les puits  à niveaux, dont l’usage a été abandonné au fil du temps, après l’arrivée des Britanniques. Ils permettaient de récupérer les pluies des moussons. Le processus de dépossession de la maîtrise de l’eau est raconté par Rana Dasgupta dans Delhi Capitale. Nous avons été submergés de bonheur par la beauté des bâolis qui demeurent intacts. Pourquoi ils ne sont pas réutilisés, réinventés, c’est une énigme.

A Bengalore, Sundar Padmanabhan a été subjugué par la méthode Miyawaki. A ses débuts, il était cadre chez Toyota et c’est là qu’il a découvert la méthode Miyawaki . Il a quitté son travail et a fondé son entreprise de création de forêts urbaines primaires. Il s’est inspiré des techniques du japonais Akira Miyawaki qui permettent une croissance rapide des jeunes arbres. Les arbres font baisser la température sur la zone plantée de 5°. Dans une ville comme Bengalore, tout comme à Delhi, il fait souvent plus de 40° au plus chaud de l’année. Il faut songer à la force des arbres comme climatiseurs puissants ! Le secret, planter avec des espèces locales et parfois, ça demande de retrouver la mémoire géographique et ça demande de faire resurgir de la mémoire ! En France, on peut trouver de ces types de forêts, créées selon cette technique, à Paris notamment, https://www.reforestaction.com/blog/le-mois-de-la-foret-plante-une-foret-urbaine-miyawaki-avec-les-parisiens. A Bangalore, les policiers qui travaillent à côté de la forêt aiment s’y ressourcer. C’est là à l’ombre des arbres qu’ils installent des chaises où nous discutons avec Sundar sur les échanges entre les racines des arbres qu’augmente le réseau micellaire.

A Auroville, près de Pondichéry, Aviram Rozin a créé Sadhana Forest. Il y a quinze ans, là, où nous nous trouvons était un terrain sans arbre. C’est devenu une forêt. La forêt subtropicale sèche. Le secret de la reforestation a été la préparation du terrain. Il faut une terre meuble pour qu’une graine germe.

Aviram n’y connaissait rien au départ en reforestation, nous explique-t-il. Il s’est formé. Aujourd’hui, Sadhana Forest est une communauté qui accueille chaque année des volontaires. La forêt couvre 28 hectares et compte 28 000 arbres d’espèces autochtones dont plusieurs nourriciers. Faire revenir la forêt fait revenir l’eau et les paysans autour peuvent cultiver la terre à nouveau. Il fait très chaud dans le Tamil Nadu mais à l’ombre des arbres, la chaleur est parfaitement supportable.  Sadhana Forest dispense aussi des cours de permaculture en Haïti et au Kenya.

Tout en nous racontant cela, Aviram parle à un jeune arbre en lui disant qu’il serait bien qu’il pousse un tantinet plus harmonieusement et organise son espace pour que son énergie se répercute sur toutes ses branches. Il lui parle comme à un tout jeune enfant. Passant devant un autre arbre, il le salue. Il l’aime.

Nous sommes là en zone périurbaine en forêt. La forêt est ville en ce qu’elle est habitée d’une grande communauté. Chaque habitation est en hauteur par rapport au sol afin que les scorpions et les serpents laissent leurs habitants en paix. Pondichéry est à quinze minutes en scooter de là. Nous étions en pleine ville à Delhi et Bangalore.