Un article de Sylvie Dallet :
L’Amazonie est une immense éco-région d’Amérique latine qui concerne neuf pays dans le monde : Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Guyane française (dont la France), Guyana, Pérou et Surinam. 70% des produits latino américains sont arrosés par les eaux de l’Amazone, ou reçoivent indirectement les bienfaits de ses forêts.
Trente-trois millions de personnes vivent en Amazonie dont 385 peuples autochtones qui revendiquent un respect des terres et de la forêt qui les nourrit. La « madré selva » (la mère forêt) est associée à la Pachamama (la terre mère). La moitié de cette éco région dispose d’une forme de protection juridique (aire naturelles protégées et territoires indigènes), mais cette protection insuffisante (comme au Brésil ou au Vénézuela) est régulièrement contournée par les contrebandiers, les chercheurs d’or clandestins, les grandes compagnies minières ou pharmaceutiques. Certains États comme la Colombie et le Pérou, renforcent une politique d’extension des parcs naturels et favorisent l’écotourisme. Plusieurs États ont également décidé de donner une véritable personnalité juridique à la Nature (et ce faisant, à la forêt) : l’Équateur, la Bolivie et la Colombie. À l’inverse, le Vénézuela et le Brésil peinent à faire reconnaitre les droits de la forêt et les déboisements continuent à s’accroître dans ces deux pays, le long des routes allogènes.
La sensibilisation planétaire à ce « poumon vert » est en marche, ce qui ne signifie pas que les déforestations violentes, les destructions des animaux, ni les empoisonnements des rivières ont cessé, ni même ralenti significativement. Les affrontements en deviennent parfois plus sauvages, dans la lutte sans merci que se livrent les sauveteurs de la forêt et ses prédateurs. Nous avions participé voici quelques années par Les Arts ForeZtiers au combat des Kichwa (Quechua) de Sarayaku pour préserver leurs espaces de vie, dans un État pourtant attentif aux usages et philosophies des Amérindiens : l’Équateur.
En 2012, les Kichwa ont remporté une victoire historique devant la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme, condamnant une concession pétrolière qui empiétait en violation des doris humains sur leurs territoires. La famille amérindienne des Gualinga continue ce combat mené avec les artistes, par la voix de Nina Gualinga, qui fait le trait d’union entre l’Europe et l’Amazonie. L’Amazonie est grignotée par le lancement de routes, qui coupent les espaces de reproduction des espèces et leur libre circulation. La question se pose avec une nouvelle acuité avec le projet de « Montagne d’or », lancé sur la Guyane française qui déverserait des tonnes de cyanure dans les terres et les eaux. Paradoxe, La France avait fondé en 2007 le Parc amazonien de Guyane qui, à ce jour, est le plus grand parc naturel au monde.
Ce questionnement planétaire rappelle, à une autre échelle, le cri d’alarme des artistes et romantiques sur la forêt de Fontainebleau dans les années 1870-1872, dont je rappelle les arguments passionnés :« Pour essayer d’empêcher à l’avenir d’aussi vastes mutilations, les signataires de la pétition se sont constitués en comité de protection artistique (de la forêt de Fontainebleau, et, pour bien préciser leur but, ont voté à l’unanimité la résolution suivante ; Que la forêt de Fontainebleau doit être assimilée aux monuments nationaux et historiques qu’il est indispensable de conserver à l’admiration des artistes et des touristes, — et que sa division actuelle en partie artistique et non artistique ne doit être acceptée que sous toutes réserves.)
Les idées rétrécies réagissent sur les sentiments qui s’appauvrissent et se faussent. L’homme a besoin de l’éden pour horizon. Je sais bien que beaucoup disent: « Après nous la fin du mon Ici. C’est le plus hideux et le plus funeste blasphème que l’homme puisse proférer. C’est la formule de sa démission d’homme, car c’est la rupture du lien qui unit les générations et qui les rend solidaires les unes des autres. »
Cette mobilisation des artistes avait réussi a repousser les coupes forestières et faire protéger les grandes forêts françaises comme autant de « réserves artistiques », réservoirs de la vie… L’essor des Parcs naturels découle de ce combat humaniste contemporain pour sauver la forêt vivante. L’Amazonie, ce géant vert partagé entre de multiples vivants et vivantes, est un autre trésor.
À consulter en publications récentes :
- le numéro spécial du Courrier international « Amazonie, le labo du futur » , septembre 2018
- Z revue itinérante d’enquête et de critique sociale, numéro 12 : « Guyane, trésors et conquêtes », septembre 2018.
- et nos articles relatifs au combat humaniste et artistique des Quechua de Sarayaku
- l’image mise en avant est issue d’un livre illustré, anticolonialiste publié en 1919, Macao & Cosmage ou l’expérience du bonheur, ouvrage rédigé par Édy Legrand. À relire, car réédité…