En 1928, l’écrivain Joseph Delteil, proche des surréalistes, publie un livre étonnant sur Lafayette qu’il décrit comme le frère spirituel de Jeanne d’Arc, en familiarité d’esprit avec Saint François d’Assise. « L’esprit trouve son compte dans cette pensée que La Fayette est un petit Auvergnat d’automne« .
La langue de Joseph Delteil, fils de bûcheron et d’une mère « buissonnante », offre à la lecture une somptuosité sans égale, comparable à celle de Colette, elle même enchantée de fleurs et d’odeurs de sous-bois. Par des raccourcis somptueux de l’imaginaire, l’écrivain explique l’indépendance de Lafayette par sa fréquentation assidue des bois de Chavaniac, prélude aux immensités sylvestres de l’Amérique. Pour avancer dans cette prose foisonnante en lisière de la poésie, goûtons ces quelques lignes qui préludent à l’esprit des arts foreztiers :
« La Forêt ! il la sent toute dans ses yeux, dans ses moelles, dans son cœur. Une aise étrange s’installe en lui. Enfin, enfin, voici la patrie de son être, sa Terre promise ! Voici l’Amérique ! ça sent la fougère glacée, le soleil humide, la fiente d’oiseau. L’air chatouille la gorge, saute dans les poumons avec un bruit cru. L’espace est dense, riche, on y patauge de la main et de l’œil. (…) on y va comme l’eau coule. Tout vit, le vent aux yeux de merle, la mousse au teint de fée, le ciel aux ailes d’arbres. Et tout est jeune, tout à l’âge de Gilbert. Quelle espèce de communion y a t’il donc entre l’âme de l’homme et l’ombre des bois ?
Dorénavant, le petit Gilbert établit dans la forêt le domicile de son âme. (…) Pour la forêt, cet enfant qu’on appellera l’homme des quatre Révolutions fit sa première révolution ».
A suivre…