Le SIPOLL est une initiative de sciences participatives menée par le Museum d’Histoire naturelle et relayée sur la commune de Chavaniac-Lafayette par le Conservatoire des espaces naturels d’Auvergne. Devant le danger de destruction des abeilles largement commenté par les médias, le Muséum entend avertir de l’existence toute aussi nécessaire des pollinisateurs sauvages, quatre grandes familles discrètes qui travaillent à aider à la fécondation de 80% des plantes : hymènoptères (abeilles, bourdons, guêpes, tous dotés de deux paires d’ailes membraneuses), diptères (mouches et parmi elles les syrphes, très actives qui se déguisent parfois en guêpes par la livrée rayée afin de tromper les prédateurs), coléoptères et bien sûr les papillons.
Nous connaissons l’abeille domestique, une seule espèce qui travaille en brigade hiérarchisée et butine partout où elle se trouve le précieux nectar dont nous saurons nous régaler avec les ours. Nous avons développé une addiction à ce miel, recommandé sa valeur thérapeutique et économique, et reconnu l’abeille comme un animal « noble » avec qui il est nécessaire de collaborer. Mais que dire des franc- tireurs de cette armée, ces quelque 800 espèces d’abeilles sauvages, noires, rousses ou velues, ces individualistes qui travaillent en solitaire, nichent dans les trous et les granges, et abattent en travail spécialisé énorme ? Connaissez vous, pour exemple, l’abeille du Lierre qui s’approvisionne ainsi que sa descendance essentiellement sur le lierre qu’elle contribue à faire vivre ?
Il y eut beaucoup d’insectes aux Arts Foreztiers de cette année, sous le vocable flou du Bestiaire enchanté… Les planches entomologistes de Diane Cazelles, les forgés de Diego Martinez, les bestioles de Georges Bellut, l’aoûtat de Capri… une faune inattendue qui parle à la flore, qui fait le lien avec les Botaniques célestes de l’année 2016. Tout le monde ne rêve pas de dragons et de licornes : Dragonfly en anglais ne signifie ‘t il pas libellule ? Véro Béné attentive à la pipistrelle trouvait son écho dans les créatures apportées par la galerie Terres d’Aligre.
Il me semble qu’il faille s’interroger sur l’analogie des pollinisateurs sauvages avec les artistes, les intellectuels, les militants de l’entraide et de la créativité féconde. Pour les dénombrer, l’ampleur de la tâche est un peu vaste, mais ces insectes combattants de l’ombre qualifient les espaces où la propagande se dilue. La quantité importe peu sauf s’ils se font rares.
Naguère, le photographe visionnaire Bernard Boisson évoquait, lors des conférences des Arts ForeZtiers (en 2015 et 2016), la nécessité de préserver pour nous et en nous une « nature primordiale », réservoir nécessaire des transformations les plus singulières. Sylvie Dallet et Eric Delassus l’écrivaient autrement lors de la publication en 2014 du collectif « Ethiques du Goût » : la formation du goût peut être l’expression d’une morale exigeante et d’une survie de la qualité.
Songeons enfin, avant de refermer cet article (mais sera t’il jamais clos, tant il concerne la création dans son entraide secrète) à cette sagesse du jardinier antique qui, parlant de ses plantes cultivées depuis des siècles explique qu’on ne réussit une greffe que sur un « sauvageon »…
Sylvie Dallet
Sylvie Dallet, thanks a lot for the post.Really thank you! Much obliged.
Les papillons nocturnes;
La nuit tombée, ils sont tout blancs, tout scintillants. Venant de nulle part, ils arrivent deux à deux. Il voltigent, montent dans le ciel puis piquent du nez pour revenir sur terre. Ils virent à droite, à gauche et reprennent de l’altitude. Ils nourrissent longtemps leur danse et font attention de ne se toucher. Ils s’adonnent même au jeu du leurre et du camouflage en se posant de temps à autre sur les petites fleurs blanches du jasmin. Toujours à la recherche de plus de lumière, ils piquent cependant sur la torche. Suit alors au petit craquement inaudible un fin brin de fumée invisible…