
Tous les articles par Sylvie Dallet


L’arbre et la pirogue de la paix (Cop 21)
Le 29 novembre en après-midi, les représentants des peuples premiers en Amérique latine ont organisé au Bois de Vincennes la cérémonie des 8000 tambours, afin d’inciter les participants de la COP 21 à abandonner les énergies fossiles pour réfléchir ensemble à une relation respectueuse à la Nature. Dans ce dimanche venté, quelque trois cent personnes se sont rassemblées pour chanter et jouer du tambour ensemble, dédiant ainsi leur message de paix et d’amour à toutes les nations de la Terre. La cérémonie associait autour d’un grand tambour rituel, un rouge arbre planté (sans doute un cornouiller sanguin, l’arbuste dont on fait les attrape-rêves) , un rosier blanc et des grains de maïs jaune, qui distribués à l’assemblée et passés de main en main, ont été redonnés aux officiants pour qu’ils reviennent fraternellement sur les terres indiennes. La baguette dressée de l’officiant sur la photographie, symbolise l’alliance de même bois des peuples rouges, noirs, blancs et jaunes.
“Le jour ou 8000 Tambours résonneront à nouveau ensemble. Ce sera le début d’une véritable guérison de notre Mère Terre et de tous les êtres. L’unité, le respect, l’amour de compassion, le bonheur et la paix sur la Terre reviendra. “(prophétie Otomi Toltèque, 1521).
Le 8 décembre au lever du soleil, la communauté Kichwa de Sarayaku (Équateur) célébrait aussi un rituel de bénédiction dédié à Paris et à la nation française, en mettant à l’eau la pirogue du « Poisson Colibri » qui, taillée dans un seul tronc, reliait symboliquement l’Amazone à la Seine.


L’Arbre et l’Humanité
En 1985, le penseur Jiddu Krishnamurti (1895-1986) écrit un texte magnifique qui relie l’arbre et l’humanité, dans leur danse secrète et hologramme.
Il nous semble important, en ces jours de tristesse après les attentats de janvier et de novembre 2015, de murmurer cette méditation qui nous rassemble :
« Près de la rivière, il y a un arbre que nous avons regardé jour après jour, pendant plusieurs semaines au lever du soleil. Quand l’astre s’élève lentement au dessus de l’horizon, au dessus du bois, l’are devient brusquement tout doré. Toutes ses feuilles résonnent de vie et vous voyez au fil des heures, une qualité extraordinaire émaner de lui (qui) semble s’étendre par tout le pays, au delà de la rivière. Le soleil monte encore un peu et les feuilles se mettent à frissonner, à danser. Avant l’aube, l’arbre est sombre silencieux et distant, empreint de dignité. Au point du jour, les feuilles illuminées et dansantes, il vous donne le sentiment de percevoir une grande beauté. Vers midi son ombre est profonde, et vous pouvez vous y assoir, à l’abri du soleil. Alors s’établit un rapport profond, immuable et sécurisant, avec une liberté que seuls les arbres connaissent.
Vers le soir, quand le soleil se couchant illumine l’ouest, l’arbre peu à peu s’assombrit, se referme en lui-même. Le ciel est rouge, jaune, vert, mais l’arbre est silencieux, retranché, il se repose pour la nuit.
Si vous établissez un rapport avec lui, vous êtes en rapport avec l’humanité. Vous devenez responsable de cet arbre et de tous les arbres du monde. Mais si vous n’êtes pas en relation avec les êtres vivants e la terre, vous risquez de perdre votre rapport à l’humanité, aux êtres humains. Nous n’observons jamais profondément la qualité d’un arbre ; nous ne le touchons jamais pour sentir sa solidité, la rugosité de son écorce, pour écouter le bruit qui lui est propre. Non pas le bruit du vent dans les feuilles, ni la brise du matin qui la fait bruiter, mais un son propre, le son du tronc et le son silencieux des racines. Il faut être extrèmement sensible pour entendre ce son. Ce n’est pas le bruit du monde du bavardage de la pensée, ni celui des querelles humaines et des guerres, mais le son propre de l’univers« .

Souvenirs de la préparation du Festival 2015

Un Festival cela se vit et se prépare, d’autant plus que l’enjeu est fort : créer au centre du Monde, c’est à dire Chavaniac-Lafayette et le Forez un événement exceptionnel à expressions multiples (danse, création sonore, installations, films, vidéos, chant, peintures, tableau collectif …) et internationale. L’artiste designer Susan Lee est venue expressément de Taiwan pour participer des Arts ForeZtiers et les films ont été acheminés du Musée cinématographique de Nevers grâce aux bénévoles de Cinépassion et de l‘Atelier du 7ème art. Une atmosphère collective à la fois studieuse et physique, qui a même mobilisé autour de l’oeuvre de Marie Lafont les étudiants des Beaux-Arts de Clermont.
Les artistes sont venus en résidence, qui dans les maisons amies, qui à l’hôtel ou dans des gîtes collectifs, plusieurs jours à l’avance pour préparer la manifestation dans son ampleur et sa diversité. La philosophie du Festival repose sur l’idéal, le respect de la nature et l’entraide. Chacun a été mis à contribution jusqu’à entrainer les scientifiques des Conservatoires voisins et les bonnes volontés de la Communauté de Communes. Trente personnes aidées par les cantonniers , des amis et la famille ont érigé des installations, vérifié les câbles, repeint les garages, cousu la toile du tableau collectif, imaginé des suspensions solides, organisé la buvette et la vente de sandwichs pour les passants (il n’y avait pas d’autre point-repas sur le village, autre que celui que nous avons improvisé pour la restauration collective). Nous avons même planté un arbre,
déplacé des tuiles, fait connaitre la créativité patrimoniale d’Ambert (Moulin Richard de bas) et de Brioude (Hôtel de la Dentelle) aux artistes venus de loin, collecté des coquilles d’oeufs, peint dans la Nature, transporté de lourdes charges, déraciné du lierre, prié pour le temps reste au beau, fait du feu, partagé à 35 des repas conçus pour 25 couverts, chanté et discuté en travaillant, balayé la cour, reçu les curieux, fait des photographies et bientôt des films… Une Ruche.


Le bocal qui cache la Forêt
Le bocal qui cache la forêt
Installation vidéo
Projection nocturne vendredi 28 et samedi 29 aout 2015
Arts foreZtiers 2015, Chavaniac-Lafayette
Conservatoire national botanique
Parcours du public : départ du square, longer l’allée des pommiers remonter vers le cercle de pierre où les personnes sont invitées à rester. Le retour se fait par le même chemin.
Artistes :
Christophe Bédrossian, vidéaste
Yo, artiste plasticienne https://yobelmont.wordpress.com/
Hélène Hibou, artiste plasticienne http://www.helenehibou.com
L’installation Le bocal qui cache la forêt est un environnement visuel et sonore conçu en fonction du lieu. Au pied du bâtiment du Conservatoire national botanique dans un grand pré, le public est invité à s’installer dans une zone circulaire en contrebas, entourée de pierres sèches destinées à des plantations d’espèces végétales protégées. L’environnement sonore l’immerge peu à peu dans une attention curieuse qui relie la vidéo projetée sur la grande baie vitrée du bâtiment et une installation de bocaux et bouteilles fluorescents remplis d’éléments végétaux, animaux et autres curiosités. Un jeune arbre illuminé de rouge est au milieu faisant le lien entre la projection et l’installation au sol.
L’usage de la fluorescéine qui colore les liquides dans les bocaux renvoie à l’intervention humaine aux effets paradoxaux. L’environnement naturel est menacé… Ne risque t’on pas de ne connaître et admirer la nature que dans de petites zones protégées et des bocaux. C’est la contradiction de l’intervention humaine qui exploite ou détruit d’un côté et protège, étudie et soigne de l’autre. Cette installation montre l’arbre comme un être vivant qui respire et dont les ramifications s’épanouissent comme un réseau de vaisseaux sanguins. L’arbre rouge est un puissant symbole de l’homme originel. La nature est généreuse, vivace et foisonnante ; elle donne, offre sans contrepartie, sa richesse, sa beauté. La charge émotionnelle qu’elle suscite en nous, renvoie à cet équilibre jubilatoire –et si fragile- entre l’homme, l’enfant qu’il fut, la beauté et la nature.
Le temps d’une œuvre éphémère, dans un lieu qu’enveloppe la nuit, un rythme est donné par des sons et des images qui tissent l’imaginaire avec le réel.
Le centre du monde par Suzy Tchang
Le centre du monde.
L’artiste peintre Suzy Tchang nous adresse ces mots qui accompagnent son magnifique tableau, créé pour les Arts ForeZtiers 2015 :
Le centre est le début de tout – c’est peut être aussi la fin.
« Tout dépend du point de vue duquel on se place,
et de l’importance qu’on accorde à la chose par rapport à l’idée que l’on s’en fait (cf. Jérome Glorie).
La légende des œuvres par les artistes fait hausser les sourcils de plus d’un.
Décrypter le Sensible afin de rendre l’œuvre ainsi expliquée accessible.
Nous y voilà !
Mon arbre, mon Centre, m’est apparu comme une apparition, une illumination presque sans prévenir, et mon travail d’artiste a consisté surtout à coller le plus possible à cette vision.
C’est le jeu du paradoxe: confronter et sentir l’écart entre deux phénomènes :
La densité du centre – la légèreté du vide.
La lumière éclatante – l’ombre presque inexistante.
La texture des branches – transparence de l’air.
Les branches épaisses aux couleurs indéfinissables – l’exactitude et la finesse d’autres.
L’expansion des branches – l’attraction circulaire.
…
Arrêtons de tout vouloir expliquer et laissons nous porter par nos sensations, laissons la porte ouverte à nos émotions, voilà un bon exercice accessible à qui accepte de se laisser surprendre.
« Le centre du Monde », acrylique sur toile, pigments, blanc de Meudon.
217 X 267 cm. crée pour les Arts Foreztiers 2015, sera présenté à Chavaniac lors du festival.

Le grand micocoulier, paysage aux souhaits par Enki Dou (et Hiroshige)
Le micocoulier (genre Celtis) est un arbre qui pousse d’Asie en Europe sous des latitudes tempérées. Sa capacité à croitre par branches à trois fourches l’associe traditionnellement aux travaux et aux outils des champs et ses fruits sont très appréciés des enfants et des oiseaux. Dès le Moyen-Âge, associé à la religion, tel en témoigne son étymologie occitane de « bois sacré », le micocoulier était planté à côté d’une chapelle, d’une église (il servait souvent de clocher) ou d’un monastère : de ce fait, il devint souvent « l’arbre à palabres » du village, garant de sa longévité.
Au XIXe siècle, de l’autre côté du monde, le graveur japonais Hiroshige met en scène l’apparition des esprits-renards de feu autour de l’arbre micocoulier (estampe 118 Cent vus d’Edo, septembre 1857). Cette information shintoïste, transmise par le Blog De paysage et paysage (article « Le renard blanc ») rédigé par un flâneur poète, Enki Dou, du nom du compagnon sauvage et sincère (n’est-ce pas la même chose ?) de Gilgamesh, dont l’épopée amicale fonde la mythique mésopotamienne.
Le contemporain Enki Dou analyse ainsi l’estampe d’Hiroshige, replaçant le micocoulier au centre du monde des souhaits de bonheur et de prospérité, associé à l’année qui commence : « Dans cette composition nocturne, sous un ciel gris bleuâtre parsemé d’étoiles, des renards phosphorescents au-dessus desquels planaient de mystérieuses fumerolles sont réunis au pied d’un grand micocoulier (enoki) à Ôji, au nord d’Edo, près du sanctuaire shintô d’Inari, la divinité du riz. L’attention est concentrée sur ce groupe près de l’arbre au premier plan, cependant qu’à une certaine distance apparaissent plusieurs autres renards qui se dirigent vers le premier groupe mais qui ne sont encore que de petits points lumineux perdus dans le fond de l’image. L’intense luminosité autour des renards contraste fortement avec l’obscurité nocturne et donne un effet dramatique et mystérieux à la scène.
D’après la légende, les renards, messagers d’Inari et gardiens du temple, étaient dotés de pouvoirs surnaturels. Ils étaient censés se réunir avec leurs forces magiques sous cet arbre la nuit du dernier jour de l’année pour adorer Inari afin de protéger la récolte et conjurer le mauvais sort; alors émanaient d’eux des feux follets qui brûlaient à leur côté comme autant de flambeaux alimentés par leur haleine. C’était le moment pour les paysans de formuler des vœux : du nombre de renards et de la forme de leurs fumeroles dépendait l’abondance de la récolte à venir. Les paysans se rendaient ensuite au sanctuaire d’Ōji Inari (ou Shōzoku Inari), où le dieu leur confiait différentes tâches à accomplir pendant la nouvelle année. Lorsque mourut le grand arbre de l’époque de Hiroshige, les habitants décidèrent d’en planter un nouveau vénéré de nos jours encore. »

« Tout autour d’un arbre », le poème de Pascal Masson
« Tout autour d’un arbre, le soleil peut jouer, à colin-maillard, avec nos pensées.
Tout autour d’un arbre, la terre sait inhumer, toute feuille glabre, ou déjà séchée
Tout autour de mon arbre, j’ai laissé mes regrets, j’ai rendu les armes, et pleuré l’été.
Tout autour d’un arbre, l’âme se fait consoler, et nos larmes essuyées, par un cercle de fées.
Tout autour d’un arbre, les lunes esseulées, font des ombres bavardes, des reflets discrets.
Tout autour d’un arbre, le sol sait écouter, tout nos grands palabres, nos petits secrets.
Tout autour de mon arbre, la nuit j’ai demandé, d’être sous tes charmes, m’y abandonner.
Tout autour d’un arbre, l’amour se fait désirer, et nos âmes attisées, par un cercle de fées.
Tout autour d’un arbre, les nuages sont liées, aux chants des feuillards, à la canopée.
Tout autour d’un arbre, l’herbe se laisse caresser, par de maintes idées, généreux projets.
Tout autour de mon arbre, j’ai envie de tisser, de nouveaux départs, vers le monde entier.
Tout autour d’un arbre, le temps nous fait voyager, nos amarres libérées, par un cercle de fées.
Tout autour d’un arbre, le vent est parolier, pour les milliards, de feuilles accordées.
Tout autour d’un arbre, les parfums oubliés, reviennent en mémoires, comme une mélopée.
Tout autour de mon arbre, les musiques inventées se jouent du hasard, des formes déposées.
Tout autour d’un arbre, l’air et l’eau danse enlacés, et nos bras invités, dans le cercle des fées… «

Gilbert de Lafayette, de la Forêt à la Révolution, par Joseph Delteil
En 1928, l’écrivain Joseph Delteil, proche des surréalistes, publie un livre étonnant sur Lafayette qu’il décrit comme le frère spirituel de Jeanne d’Arc, en familiarité d’esprit avec Saint François d’Assise. « L’esprit trouve son compte dans cette pensée que La Fayette est un petit Auvergnat d’automne« .
La langue de Joseph Delteil, fils de bûcheron et d’une mère « buissonnante », offre à la lecture une somptuosité sans égale, comparable à celle de Colette, elle même enchantée de fleurs et d’odeurs de sous-bois. Par des raccourcis somptueux de l’imaginaire, l’écrivain explique l’indépendance de Lafayette par sa fréquentation assidue des bois de Chavaniac, prélude aux immensités sylvestres de l’Amérique. Pour avancer dans cette prose foisonnante en lisière de la poésie, goûtons ces quelques lignes qui préludent à l’esprit des arts foreztiers :
« La Forêt ! il la sent toute dans ses yeux, dans ses moelles, dans son cœur. Une aise étrange s’installe en lui. Enfin, enfin, voici la patrie de son être, sa Terre promise ! Voici l’Amérique ! ça sent la fougère glacée, le soleil humide, la fiente d’oiseau. L’air chatouille la gorge, saute dans les poumons avec un bruit cru. L’espace est dense, riche, on y patauge de la main et de l’œil. (…) on y va comme l’eau coule. Tout vit, le vent aux yeux de merle, la mousse au teint de fée, le ciel aux ailes d’arbres. Et tout est jeune, tout à l’âge de Gilbert. Quelle espèce de communion y a t’il donc entre l’âme de l’homme et l’ombre des bois ?
Dorénavant, le petit Gilbert établit dans la forêt le domicile de son âme. (…) Pour la forêt, cet enfant qu’on appellera l’homme des quatre Révolutions fit sa première révolution ».
A suivre…

Réseaux racinaires, par Maud Boulet
Maud Boulet étudie en Master 2 d’Arts Plastiques à Rennes. Elle vient, parmi de jeunes artistes, d’être primée par un concours « Les Artistes de demain » organisé par la Galerie Double S, associée au Festival des Arts Foreztiers (Sylvie Dallet participe du Jury du concours). Ce concours sélectionne des oeuvres dédiées aux Quatre éléments et à la Nature, qui seront exposées en la galerie Double S (15 rue Guénégaud, Paris) en juillet 2015.
Les dessins de Maud Boulet seront apportés et présentés au Festival des Arts Foreztiers par la Galerie Double S. Maud Boulet a crée pour le Festival un arbre d’encre sur carte marine :
Dessinatrice de formes aquatiques et nébuleuses, elle décrit ainsi son travail :
« La Forme gonflée et tortueuse flotte comme une racine tirée de la terre.
Elle est issue de la rugosité de la nature végétale ;
écorce, tronc noueux, réseaux racinaires. »