Blancs
« Il y a quelque chose sur mon dos. Entre mes omoplates. L’adrénaline gicle dans mon sang. Je plie le bras derrière ma nuque et j’arrive à effleurer du bout des doigts. Mon dieu. C’est chaud, fourré et doux comme un pelage de chat. Ça frétille tel un colibri. C’est calme et incroyablement véloce à la fois, hypernerveux et zen, je n’arrive pas à trouver l’image en moi, cette sensation que ça donne et la forme que je sens que ça a. Il est là. C’est tout. »
Revenir
« Ce que j’ai adoré a été cette sensation constante de fluidité et d’effort, tout au long du parkour et le plaisir que j’y ai pris, en dépit du sévère danger. J’ai savouré la partie au sol, les sauts de précision de murets en murets, les interlignes, les courses, la façon dont Toni nous a fait couper à travers les grillages, par-dessus les portails, monter aux poteaux, redescendre, filer par-dessus les voitures. Il allait tellement vite que nous perdions sans cesse sa trace alors il ralentissait et nous éclairait la voie. Toute la partie finale du parkour, au moment où nous sommes remontés sur le toit de l’église par les gouttières, les bas-reliefs et les gargouilles je n’aurais pas cru que j’en sois capable, même encordée. Et je n’évoque pas la série de sauts « de détente » sur le dédale de toit de zinc où j’ai regardé Lorca bondir sans réfléchir et où je n’ai fait que l’imiter, les imiter tous, comme Saskia, ni plus ni moins. »
Cacourir
« Heureuse, si heureuse de pouvoir bondir hors du canyon, notre Tishka ! Tout le long de la course effrénée sur le chemin je lui ai tenu la main, mon bonnet rabattu sur l’œil droit, en visant les trous de brume devant moi. Parfois elle ne pesait plus rien et sa main dansait, elle voletait par-dessus les pierres j’imagine, elle était si légère dans ma paume, si vive, que je me la figurais en écureuil polatouche caracolant dans la garrigue fraiche par une nuit de contrebande. Sûrement avait-elle souffert dans le ravin confiné – et là tout son être respirait à nouveau à même l’étendue ouverte, comme moi, comme nous – petite harde de cabris bondissants relâchés sur la lande et qui craignent la seringue du fusil tout se sachant trop vifs pour être visés, trop furtifs pour être aperçus – et tandis que je fuyais, j’avais ce sentiment sublime de décoller du sol avec Tichka à la moindre bosse – d’être quelques infimes secondes suspendue en l’air avant de toucher terre et de ricocher à nouveau sur la brume – pic-pac – loup glacé ! »
Thème « Matrice de vie »