J’AI TOUJOURS DESSINÉ, AUSSI LOIN QUE REMONTE MA MÉMOIRE, JE N’AI JAMAIS SU FAIRE QUE ÇA. Enfant difficile, compulsif, Jean-Luc Favéro a grandi dans un milieu où l’art était loin d’être une priorité. On l’installait à une table avec une feuille et des crayons, seul moyen qu’il se tienne tranquille et calme ses obsessions. A l’issue d’une scolarité chaotique, qu’il interrompt en 3° sans le moindre bagage, il parvient quand même à intégrer l’école des beaux-Arts de Toulouse. Il n’a que 17 ans. Il découvre avec bonheur le monde de l’art avec toutes ses étrangetés, un univers entièrement nouveau et exotique pour lui. De jeunes professeurs l’éveillent à l’art conceptuel, à l’art de l’idée ; d’autres, de la vieille garde, le forment à un art plus classique. Sans choisir entre l’un ou l’autre de ces enseignements, il apprend à manier les outils, travaille sans relâche le dessin. Plongé dans cette ambiance tant rêvée, il se régale tout au long du cursus, mais le jour de l’examen final, occupé à la peinture murale qu’il est en train de réaliser, il ne se présente pas et quitte les beaux-Arts sans un diplôme en poche.JE SUIS PLUS PRÈS DU BOXEUR QUE DE L’ARTISTE. Il s’installe pendant 5 ans dans un grand hangar à la campagne avec d’autres artistes. Vivre dans la nature l’aide à envisager le monde perméable, à le pénétrer petit à petit. Dans cette belle émulation d’atelier, il continue d’apprendre, acquiert un rythme et, devant subvenir aux besoins de sa famille, organise son travail en deux parties, d’une part celle qui va le faire vivre, de l’autre des recherches plus personnelles. Il en aborde les prémisses en se confrontant aux artistes qu’il admire et entame avec eux une sorte de dialogue plastique.
SI JE FAIS DES GRANDS FORMATS, CE N’EST PAS PAR MÉGALOMANIE, C’EST POUR REDEVENIR PETIT. Expulsé avec ses confrères du hangar, il a la chance d’acquérir une vieille ferme perchée sur une colline près de Rabastens, où il vit encore aujourd’hui. Plus stable, plus serein, il commence à sculpter, l’aspect physique de cette activité convenant parfaitement à son âme de « boxeur ». Sans argent, et voulant faire des grands formats, il invente son matériaux de base : le bidon de tôle, qu’il découpe, martèle, assemble et cisèle, réalisant ainsi des œuvres à moindres frais. Un vaste territoire s’ouvre enfin devant lui et, partant de la phrase toute simple « fais ce que tu aimes », il domine peu à peu l’angoisse de s’y perdre. Il entreprend d’explorer cette idée, tant sur le plan physique, que moral et spirituel, liant sans cesse le tout. Dans son obsession intime de tout ritualiser, chaque sculpture requiert un nombre précis de coups de marteaux, il sait par avance lequel sera le dernier, manière de canaliser ses troubles et son énergie, de leur donner forme, et par là même de se défouler, de s’épuiser physiquement et de guérir.
CE N’EST PAS LE PAYSAGE QUI EST GRAND, C’EST LE REGARD PORTÉ DESSUS QUI DOIT L’ÊTRE. Un jour, lisant un article traitant d’archéologie celtique, la photo d’un objet et sa légende « pommeau d’épée celte sur âme de bois » provoquent en lui un déclic poétique. L’œuvre, décor et enveloppement d’une âme de bois disparue, lui parlait à la fois de l’épée, d’un guerrier, de sa main, de matières et de volumes générateurs de vie, de vécu, tendus par une volonté. Cette œuvre n’était plus en trois dimensions, mais liée à toutes les dimensions imaginables. Il oriente alors son travail vers cette idée d’âme contenue, et par ricochet de contenant, de sarcophage, de vaisseau, de véhicule. Il réalise des containers, sortes de peaux de métal qui recouvrent une âme, un esprit. S’inspirant de ce qui l’entoure directement, il s’attache à considérer chaque élément de la vie, à poser un regard d’amour sur toute chose. Les containers lui servent à raconter les histoires qui le touchent, en particulier celle de l’homme et de la femme, celle de leur rencontre, celle de leur relation au monde….