Une des artistes forestières, Véro Béné, est partie du village de Chanteuges, en Auvergne vers l’Amérique latine avec une première escale en Guyane française. Son voyage doit durer six semaines, mené au rythme de la vie créole, du fleuve et de la forêt.
Dans son sac à dos, pas d’ordinateur mais plusieurs carnets à dessin, afin de croquer pour nous des impressions de voyage. Elle raconte ainsi que le grand Fromager de la commune Maripasoula, en bordure du Suriname, s’est effondré sous le poids d’un autre arbre géant, foudroyé par la tempête de décembre 2015.
En tombant, son faîtage déversa un bouquet d’orchidées rares qui y gîtaient. La pluie combat la forêt. « Voici deux jours, l’autre grand fromager de Papaïchton est tombé suite aux pluies diluviennes. Les fromagers sont des arbres sacrés pour les Amérindiens et les bushinengés Alukus, mais les temps sont difficiles pour ces géants car le Maroni monte et vient lécher les abords des carbets… »
Véro Béné alimente régulièrement son compte Facebook de ses impressions, croquées sur le vif, au stylo et à l’aquarelle. Elle s’aventure en ce moment sur le fleuve Maroni et porte un regard attentif sur le quotidien foisonnant de la vie tropicale.
Haïku maroni (Sylvie Dallet): Un paresseux dans ma barque/ Les odeurs de la pluie/Vers l’horizon vert cru.
Attentif à l’expérience des Arts ForeZtiers, le peintre alsacien Aurélien Lepage nous adresse ce texte assorti de deux tableaux composés comme des enluminures. Il décrit ainsi son travail et son oeuvre, fortement imprégnée de feuilles enchevêtrées, nées de formes anciennes, et foisonnantes :
« La lenteur donne accès à la durée, elle permet d’en ressentir l’épaisseur et la densité, et par là même elle donne accès à soi, à l’épaisseur de vie qui nous compose et que nous ne prenons pas le temps de connaître.
C’est cette densité que je tente de rendre visible dans chaque tableau, multipliant les niveaux de lecture et les strates. De fait, une certaine lenteur du regardest requise pour le spectateur, sans laquelle il pourrait passer à côté de tout un pan de ma peinture sans rien en voir. A la lenteur de l’exécution répond une lenteur de l’attention.
Le labyrinthe – Afin de se préparer – de manière ludique – à l’ultime voyage, afin d’en apprendre le trajet pour s’en souvenir le moment venu, les peuples zoulous dessinent au sol des usogexe, des labyrinthes. L’auteur du dessin défie ensuite ses compagnons de jeu en les intimant de trouver la route menant vers la «case royale», souvent située au centre du motif. Lorsque l’un d’eux échoue, les autres lui disent «Waputra usogexe !» : «On t’a bien eu avec le labyrinthe !» Et celui-ci doit reprendre son cheminement depuis le début.
En occident, à l’époque médiévale, de nombreuses cathédrales possédaient un « chemin de Jérusalem » : un labyrinthe dessiné sur le sol. Les fidèles ne pouvant partir physiquement en pèlerinage parcouraient à genoux le chemin méandreux tout en priant, jusqu’à parvenir en son centre, et ainsi accéder à une renaissance spirituelle symbolique.
A mi chemin entre la spirale, symbolisant l’expansion perpétuelle, et le nœud, symbolisant l’éternel retour, le labyrinthe sait se montrer polymorphe, multiple, à l’image du chemin qu’il incarne. Il est symbole de mort et de régénération, c’est-à-dire de transformation constante et de quête. J’envisage souvent l’errance picturale qui m’anime comme un vaste labyrinthe, sans début ni fin, sans envers ni endroit, s’entremêlant et se complexifiant à mesure. Le labyrinthe n’est jamais directement représenté dans mon travail, mais présent partout : chaque toile en constitue un embranchement ou un centre possible. Dans chaque toile se dissimule une multitude de cheminements à parcourir, trouvant leur continuité dans la toile qui suit ou qui précède – d’où la récurrence de certaines figures naviguant d’un tableau à l’autre.
Mais il ne s’agit surtout pas d’apprendre à sortir du labyrinthe. Il s’agit au contraire d’apprendre à en épouser les caprices, les chemins tortueux, les raccords, les embranchements, les impasses ; jouer l’errance donc, à l’instar des zoulous et des pèlerins médiévaux. Je peins moi aussi pour me rappeler, pour exercer ma mémoire au mystérieux voyage, en tentant, pas à pas, de recueillir les infinis chemins du monde contenus dans les infinis chemins de l’instant. »
Aurélien LEPAGE, né en 1982, vit et travaille à Meistratzheim, dans le Bas-Rhin. Contact atelier : 326 rue Principale, 67210 MEISTRATZHEIM, tél : 03 88 95 37 08 – 07 81 40 80 59 – aurelepage@hotmail.fr Plus d’infos sur : http://aurelienlepage.canalblog.com/
Naguère, Noé le patriarche rassemblait les animaux dans une arche qui devait protéger du Déluge, mammifères, oiseaux et autres vivants. Nous prenons conscience, grâce au mythe partagé, de notre parenté animale, de tous les jours et de tous les songes.
Cette photographie singulière, échouées des rives du Web, mélange les règnes de l’arbre et du monde animal, de par la main de l’artiste. De grands animaux sont sculptés à même le tronc imposant, arche d’alliance ancienne et symbolique de la croisée des espèces. Des formes familières métamorphosent un tronc puissant.
Dans les Métamorphoses d’Ovide (X, 86-105), la voix d’Orphée, charmant bêtes et gens, entraînait à sa suite une procession d’arbres. Ici, l’arbre est solitaire, porte-greffe du monde animal.Qui nous dira l’origine de ce travail symbolique, surgi de cet arbre immense ? Comment chahutent l’écorce du végétal avec nos pensées ? D’où vient ce géant transformé ? La main de l’artiste a révélé des parentés bouleversantes, que l’arbre séculaire a su accepter…
Et dans le nid des Arts ForeZtiers, fait de simples branches tressées posées sur un cèdre tranché, trois oeufs se côtoient, trois règnes à venir…
Nous, artistes des Arts ForeZtiers, exposerons salle des Mésanges, dans la vallée de Laga, près d’Ambert, du premier juillet au 13 août 2017, sur papier du Moulin Richard de bas, des travaux et des dessins qui fêteront le renouveau pour 2017, celui que nous souhaitons du fond de notre cœur amoureux.