Le palétuvier gris élance ses racines dans les eaux salines des embouchures, festonnant de ses entrelacs le quartier amérindien de Paddock, enclave jardinée nichée sur les rives de la Saint Laurent du Maroni, en Guyane. Leurs troncs nervurés de ces « moutouchi marécages », dessinent des formes à la Dali qui permettent, par leurs tissages en surplomb, une rêverie qui ouvre à la complexité du monde. Le beige bleuté des eaux du fleuve offre un saisissant contraste avec la chevelure de la mangrove, qui se mue au fil des observatoire en grotte secrète ou en tissage mythique.… Lorsque la nuit tombe, le fleuve se mue en un lac d’argent que la houle parcourt de murmures paisibles. Une vouivre amérindienne, Maïpolina, apparait parfois aux Indiens du fleuve, de même qu’un mystérieux Molokot – ou Popoké (pour les Noirs Boni)- , l’esprit du tigre d’eau….
La ville de Saint Laurent du Maroni, une des villes portes du Parc Naturel Régional de Guyane, est bordée d’une végétation foisonnante et fleurie. Celle-ci se déploie sur le fleuve frontière, dans les jardins fleuris ou dans la forêt des Malgaches, qui doit son nom aux bagnards déportés de Madagascar. La mauvaise réputation de cette forêt, tragique et dangereuse, vient d’être métamorphosée par l’Office National des Forêts qui, depuis 1957, la laisse croitre sans exploitation forestière. Pour attirer les citadins vers cette nature qui se reconstitue, l’ONF organise depuis une dizaine d’années des parcours pédestres, animés par des conférenciers. En novembre 2017, l’entrée de cette forêt historique a été embellie par les oeuvres monumentales (en troncs dressés) de sept sculpteurs (ou collectifs de sculpteurs) qui ponctuent les chemins de a mémoire et de la biodiversité. Cette expérience de Forest Art à Saint Laurent du Maroni donne à voir de beaux totems dressés par des sculpteurs de Guyane, mais aussi de Martinique, Bourgogne, Paris, Suriname et Nouvelle Calédonie : les artistes ont façonné pendant dix jours des tronçons de bois de plusieurs mètres de hauteur, travaillant les essences rouges du wacapou ou du taaputiki. Le paysage ouvre à un imaginaire mêlé de gestations et de genèses ou le genre humain côtoie les animaux de la forêt.
Une invitation à la poétique du monde, comme le penseur Bachelard nous y invite, entre terre, bois et eaux.. L’art doit apporter ensemble, légèreté et gravité au promeneur, tandis que le bois fait respirer l’imagination.
Sylvie Dallet (janvier 2018)