Archives annuelles : 2018

Sculpter les photographies

En  juillet 2016, Albert David, professeur des universités et photographe de coeur, exposait pour la première fois au Festival des Arts ForeZtiers. Ses cadrages poétiques, aux arbres baroques et graciles furent remarqués par le service culturel de la mairie de Brioude qui souhaita les présenter à la Maison de Mandrin en septembre 2017. Cette jolie maison aux arcs gothiques,  bâtie au Moyen-Âge par un chanoine du chapitre de la basilique, visitée par le célèbre contrebandier Mandrin en 1754, est ouverte aux amateurs d’art . De nombreuses expositions de peintures, sculptures, photographies se succèdent toutes les trois semaines.

Lors de cette nouvelle exposition, Albert se fit accompagner par Aurélie, sculptrice de pierre tendre, venue de Montreuil pour cette occasion. Céline Mounier, présente également lors du Festival ForeZtier  où elle avait posé pour la performance de Philippe Tallis, “La Forêt nue”, écrivit alors cette “animation d’une danse à la maison de Mandrin” qui fait suite.  Cette variation révèle sa saveur, avec et au delà des photographies et des sculptures.

Albert expose des photographies et Aurélie des sculptures. Leurs oeuvres vivent leur vie ensemble. Voyez plutôt :

La Petite fille ouvre le bal. Enfin, on la regarde et on la respecte pour sa présence à elle, En attendant Pina. Les Fragments heureux pour une danse, ils se trouvent entre Le chemin, celui de la liberté, et Figures imposées. La vie est ainsi faite, les instants de félicité se rencontrent cheminant. La contrainte va offrir de ces instants.

Le cheval salvadorien est non loin du chemin. Il apporte du calme à la danse. Il se laisse caresser. Il est doux. Il est face à la Nature urbaine en rébellion. La ville crée sa propre nature en même temps que la nature est en ville, domestiquée. Parfois, elle redevient mi-sauvage, mi-fantastique. Le chat volcanique veut grimper sur La partition des arbres et pour le moment, il écoute la mélopée urbaine. Le chat est de lave.

Se tient loin de lui le guerrier de paix, Ne te presse pas de me laisser… Là où tu demeureras, je demeurerai. C’est la Paix qui le demande. Il est là, côtoyant Dans les limbes et faisant face à Migrations. Dans Migrations, des statues s’en vont. Elles en imposent de départ. Le Guerrier de la paix les regardent les belles, si majestueuses.

La lumière est tamisée, on parle à bas mots, on se chuchote à l’oreille là où les Conversations servent l’initiation. L’initiation est subjuguée par Conversations. Il y a de quoi vu comme va le monde qui a tendance à se vriller en plusieurs lieux. De loin, Le métayer observe la scène. Il est à l’écart et il y tient.

Bello se sent bien à côté de l‘Eden amoureux tandis que Raoul craint les Transformers qui éclatent de leurs feux de couleurs et de ciels bleus. Nos caresses lui font du bien. Il est très doux. Ses fesses s’offrent aux caresses. Au milieu de la scène, Le Bélier. Il est fier au milieu et personne ne réussit à lui faire peur. Il y en a qui ont essayé. Quand soudainement,

En plein coeur de l‘Aventure politique, L’enchanteur chante les louanges d’une danse. C’est que Pina est arrivée avec sa troupe. On imagine la danse sur la place devant la Maison de Mandrin. À moins que le regard n’aille vers Le village fantôme.

L’art forestier (Saint Laurent du Maroni- suite)

En complément de notre article sur les palétuviers et du Forest Art de Saint-Laurent du Maroni, l’amie qui nous l’a fait explorer, Laeticia Pagès, nous adresse les photographies des magnifique troncs – totems qui ornent l’entrée de la forêt des Malgaches. Certaines sculptures sont coiffées d’un chapeau de tôle qui les protège des intempéries et de l’humidité. Ce dispositif de faîtage rend hommage aux carbets (maisons de bois) couvertes de tôles de l’habitat amérindien et bushinengue. Arrivés en Guyane après les Indiens, les Bushinengue (“hommes de la forêt” ou “noirs marrons”) sont traditionnellement des charpentiers, des menuisiers, des sculpteurs. Fuyant depuis le  XVIIè siècle,  l’esclavage des plantations hollandaises, ils sont implantés au-delà du fleuve Maroni en territoire forestier français.

Contrastant avec le caractère hiératique des sculptures, hautes de plusieurs mètres, la signalétique  des promenades emprunte à la Bande Dessinée ses caractères ludiques.   

Neiges franciliennes

“Palmier chargé de neige” 2018, Montreuil

La neige est tombée sur Paris et l’Ile de France, donnant à tous les arbres l’occasion de se comparer “aux sapins en bonnets pointus” de Verlaine. Le lilas porte désormais des fleurs de coton et le palmier ressemble à un ananas de nacre, dont le toupet garde la couleur de l’été. Chacun se déguise en un carnaval blanc…

Théophile Gautier  (1811-1872) décrivait ainsi, au XIXème siècle, ce retour de la neige à Paris :

“Dans le bassin des Tuileries,

Le cygne s’est pris en nageant,

Et les arbres, comme aux féeries,

Sont en filigrane d’argent.

Les vases ont des fleurs de givre,

Sous la charmille aux blancs réseaux;

Et sur la neige on voit se suivre

Les pas étoilés des oiseaux.”

Puis en 1843, cette ode  à UNE JEUNE ITALIENNE

“Février grelottait blanc de givre et de neige ;

La pluie, à flots soudains, fouettait l’angle des toits ;

Et déjà tu disais : « Ô mon Dieu ! quand pourrai-je

Aller cueillir enfin la violette au bois ? »

Notre ciel est pleureur   et le printemps de France,

Frileux comme l’hiver, s’assied près des tisons ;

Paris est dans la boue au beau mois où Florence

Égrène ses trésors sous l’émail des gazons.

Vois ! les arbres noircis contournent leurs squelettes ;

Ton âme s’est trompée à sa douce chaleur :

Tes yeux bleus sont encor les seules violettes,

Et le printemps ne rit que sur ta joue en fleur !”

La journaliste Dane Mc Dowell vient de publier en 2017  l’Herbier de Marcel Proust, orné des peintures imaginatives de l’illustratrice Djohr. Ces images répondent si bien au poème de Théophile Gautier que nous les citons en contrepoint de la nostalgie de l’Italienne Avec le fameux tableau de Brueghel  (1565)pour annonce, Les chasseurs en hiver, l’Ile de France se métamorphose en février…pour prélude à la renaissance du printemps.

 

Palétuviers et sentiers guyanais du Maroni

 Le palétuvier  gris élance ses racines dans les eaux salines des embouchures, festonnant  de ses entrelacs le quartier amérindien de Paddock, enclave jardinée nichée sur les rives de la  Saint Laurent du Maroni, en Guyane. Leurs troncs nervurés  de ces “moutouchi marécages”,  dessinent des formes à la Dali qui permettent, par leurs tissages en surplomb, une rêverie qui  ouvre à la complexité du monde. Le beige bleuté  des eaux du fleuve offre un saisissant contraste avec la chevelure de la mangrove, qui se mue au fil des observatoire en grotte secrète ou en tissage mythique.…  Lorsque la nuit tombe, le fleuve se mue en un lac d’argent que la houle parcourt de murmures paisibles. Une vouivre  amérindienne, Maïpolina,  apparait parfois aux Indiens du fleuve, de même qu’un mystérieux  Molokot – ou   Popoké (pour les Noirs Boni)- , l’esprit du tigre d’eau….

La  ville de Saint Laurent du Maroni, une des villes portes du Parc Naturel Régional de Guyane,  est bordée d’une végétation foisonnante et fleurie. Celle-ci  se  déploie sur le fleuve frontière, dans les jardins fleuris ou dans la forêt des Malgaches,  qui doit son nom aux bagnards déportés de Madagascar.   La mauvaise réputation de cette forêt,  tragique et dangereuse, vient d’être métamorphosée par l’Office National des Forêts qui,  depuis 1957, la laisse croitre sans exploitation forestière. Pour attirer les citadins vers cette nature qui se reconstitue, l’ONF organise depuis une dizaine d’années des parcours pédestres, animés par des conférenciers. En novembre 2017, l’entrée de cette forêt historique a été embellie par les oeuvres monumentales  (en troncs dressés) de sept sculpteurs (ou collectifs de sculpteurs) qui ponctuent les chemins de a mémoire et de la biodiversité.  Cette expérience de Forest Art à Saint Laurent du Maroni donne à voir de beaux totems dressés par des sculpteurs de Guyane, mais aussi de Martinique, Bourgogne, Paris, Suriname et Nouvelle Calédonie : les artistes ont façonné pendant dix jours des tronçons de bois de plusieurs mètres de hauteur, travaillant les essences rouges du  wacapou ou du taaputiki. Le paysage ouvre à un imaginaire mêlé de gestations et de genèses ou le genre humain côtoie les animaux de la forêt.

Une invitation à la poétique du monde, comme le penseur Bachelard nous y invite, entre terre, bois et eaux.. L’art doit apporter ensemble, légèreté  et gravité au promeneur, tandis que le bois fait respirer l’imagination.

Sylvie Dallet (janvier 2018)