L’artiste new-yorkaise Anne Eisner (1911-1967) vécut dans l’ancien Congo belge (aujourd’hui la République démocratique du Congo) de 1940 et 1950. La passion qui la liait au très original anthropologiste de terrain Patrick Putnam l’amène à séjourner dans le Camp Putnam (station de recherche, lieu d’hébergement et dispensaire médical qui porte aujourd’hui le nom d’Epulu) à la lisière de la forêt tropicale humide de l’Ituri. Son engagement auprès des populations de la région l’a, ensuite, convaincue de s’y installer et de partager la vie des populations autochtones.
Ann Eisner voyait la forêt comme un refuge, attentive à la relation sociale et philosophique que les Pygmées Mbuti avaient tissé avec cette sylve profonde. Engagée dans le quotidien de cette population qui lui avait accordé sa confiance, elle a élevé à leur demande, trois bébés orphelins Pygmées, dans la tradition étendue des « mères » de la forêt. Cette tradition s’inscrit dans un réseau secourable qui comporte les grand-tantes, les tantes et les voisines. Fascinée par une organisation sociale proche de l’entraide des arbres, l’artiste s’inspire aussi des manifestions artistiques locales, inscrites sur de l’écorce battue ou sur les corps. L’analogie entre l’écorce et le corps est évidente.
La peinture d’Ann Eisner comporte cette réflexion sur la trace de la forêt dans es rapports sociaux. À son retour aux États-Unis, elle fait don à l’Américain Museum of America History de 22 écorces battues et autres objets de sa collection.
Un article lui est consacré dans les Cahiers du GRHFF de 2017 : « La forêt des sens : art, communauté et durabilité » par Christie McDonald, Kevin Tervala et Suzanne Blier, suite à une exposition qui s’est déroulée à Harvard en mars 2016, où les archives d’Ann Eisner sont conservées.
Par ailleurs, un ouvrage illustré publié en Italie sous la direction de Christie Mc Donald, (Images du Congo : Anne Eisner’s Art and Ethnography, 1946-1958), évoque de cette expérience immersive, qu’Ann Eisner décrit elle-même au travers de son livre publié en 1954, Madami : My eight years among the Pygmées (Harvard Press).
Photographies issues de l’article du GHFF.