Naguère, à l’aube du Moyen âge, les monuments de pierre étaient peu nombreux. Les pierres levées servaient de repères, dressées sur des points telluriques qui témoignaient aussi de gravures spiralées, à l’intime des énergies pétrifiées. On raconte qu’en 772, Charlemagne, lors d’une expédition militaire contre les Saxons rebelles à la christianisation, fit détruire le sanctuaire d‘Irminsul qui, dans le bosquet sacré qui le protégeait, avait forme d’un tronc d’arbre, « colonne cosmique » (décrit naguère par l’historien romain Tacite) qui soutenait symboliquement la voute céleste.
Adam de Brême, évêque évangélisateur de la région de Hambourg, décrit trois siècles plus tard un sanctuaire botanique analogue, près d’Uppsala en Suède : » Près de ce temples, se trouve un arbre gigantesque, qui étend largement ses branches ; il est toujours vert, tant en hiver qu’en été. Personne ne sait quel arbre c’est ». Est ce un frêne, un chêne, un thuya, ou le concentré des trois forces ? On retrouve la forme de l’arbre qui enserre la planète, sur des tombes baltes jusques au XVIIe siècle.
Cette concordance des pierres levées et des colonnes, sculptées comme des troncs d’arbres mythiques, se retrouve dans les formes d’écriture des navigateurs anciens. Au début du Moyen âge, une écriture irlandaise, faite de pointes de flèches, tisse des correspondances avec les arbres, les arbrisseaux et la végétation : vingt lettres fixes et cinq lettres variables forment un alphabet oghamique qui succède sans doute aux runes plus anciennes, comme lui, dédiées à la divination. Toutes les lettres, sauf une, s’en réfèrent à la végétation (frêne, noisetier, fougère…), sauf la lettre de la « mer » qui circule mystérieusement entre la botanique irlandaise. Certains exégètes soutiennent la ressemblance entre la rune Tiwa, « la flèche tournée vers la victoire » et l’arbre symbolique d’Irminsul.
Les idées de divination, de magie qui s’attachaient chez les Celtes aux arbres, objet de leur culte, ont donc donné naissance à cet alphabet magique, ces runes merveilleuses qui représentaient les différentes lettres par leurs pousses, leurs scions. Ces signes recevaient chacun le nom d’un arbre, de l’arbre sur le bois, duquel on les inscrivait, on les gravait par incision, et puis on agitait ensuite ces fragments taillés, de manière à en tirer des augures. Plus tard cet assemblage de signes fournit à l’alphabet runique ses éléments, et cet alphabet en garda le nom d‘Ogham craobh, c’est-à-dire l’arbre aux lettres.
À suivre…
Sylvie Dallet
Pour mémoire et compléter cet article, les idées de divination et de magie que les Celtes attachaient aux arbres médiateurs, objet de leur culte, donnent naissance à ces runes merveilleuses qui représentent les différentes lettres par leurs pousses, leurs scions. Ces signes recevaient chacun le nom d’un arbre, de l’arbre sur le bois, duquel on les inscrivait par incision ; on agitait ensuite ces fragments taillés, de manière à en tirer des augures. Plus tard cet assemblage de signes fournit à l’alphabet dit runique ses éléments sous le nom d’Ogham craobh, c’est-à-dire « l’arbre aux lettres ».
L’arbre, qu’il soit sacré ou « banal », commun ou rare, est-il la nouvelle religion? Pourquoi lui voue-t-on tant d’adoration? Pourquoi tend-il à se substituer à l’humain dans la pensée de certains artistes?