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« Tout autour d’un arbre », le poème de Pascal Masson

« Tout autour d’un arbre, le soleil peut jouer, à colin-maillard, avec nos pensées.
Tout autour d’un arbre, la terre sait inhumer, toute feuille glabre, ou déjà séchée
Tout autour de mon arbre, j’ai laissé mes regrets, j’ai rendu les armes, et pleuré l’été.
Tout autour d’un arbre, l’âme se fait consoler, et nos larmes essuyées, par un cercle de fées.
Tout autour d’un arbre, les lunes esseulées, font des ombres bavardes, des reflets discrets.
Tout autour d’un arbre, le sol sait écouter, tout nos grands palabres, nos petits secrets.
Tout autour de mon arbre, la nuit j’ai demandé, d’être sous tes charmes, m’y abandonner.
Tout autour d’un arbre, l’amour se fait désirer, et nos âmes attisées, par un cercle de fées.
Tout autour d’un arbre, les nuages sont liées, aux chants des feuillards, à la canopée.
Tout autour d’un arbre, l’herbe se laisse caresser, par de maintes idées, généreux projets.
Tout autour de mon arbre, j’ai envie de tisser, de nouveaux départs, vers le monde entier.
Tout autour d’un arbre, le temps nous fait voyager, nos amarres libérées, par un cercle de fées.
Tout autour d’un arbre, le vent est parolier, pour les milliards, de feuilles accordées.
Tout autour d’un arbre, les parfums oubliés, reviennent en mémoires, comme une mélopée.
Tout autour de mon arbre, les musiques inventées se jouent du hasard, des formes déposées.
Tout autour d’un arbre, l’air et l’eau danse enlacés, et nos bras invités, dans le cercle des fées…     « 

photo S. Dallet

Gilbert de Lafayette, de la Forêt à la Révolution, par Joseph Delteil

En 1928, l’écrivain Joseph Delteil, proche des surréalistes, publie un livre étonnant sur Lafayette qu’il décrit comme le frère spirituel de Jeanne d’Arc, en familiarité d’esprit avec Saint François d’Assise.  « L’esprit trouve son compte dans cette pensée que La Fayette est un petit Auvergnat d’automne« .

La langue de Joseph Delteil, fils de bûcheron  et d’une mère « buissonnante », offre à la lecture une somptuosité sans égale, comparable à celle de Colette, elle même enchantée de fleurs et d’odeurs de sous-bois. Par des raccourcis somptueux de l’imaginaire, l’écrivain explique l’indépendance de Lafayette par sa fréquentation assidue des bois de Chavaniac, prélude aux immensités sylvestres de l’Amérique. Pour avancer dans cette prose foisonnante en lisière de la poésie, goûtons ces quelques lignes qui préludent à l’esprit des  arts foreztiers :

« La Forêt ! il la sent toute dans ses yeux, dans ses moelles, dans son cœur. Une aise étrange s’installe en lui. Enfin, enfin, voici la patrie de son être, sa Terre promise !  Voici l’Amérique ! ça sent la fougère glacée, le soleil humide, la fiente d’oiseau. L’air chatouille la gorge, saute dans les poumons avec un bruit cru. L’espace est dense, riche, on y patauge de la main et de l’œil. (…) on y va comme l’eau coule. Tout vit, le vent aux yeux de merle, la mousse au teint de fée, le ciel aux ailes d’arbres. Et tout est jeune, tout à l’âge de Gilbert. Quelle espèce de communion y a t’il donc entre l’âme de l’homme et l’ombre des bois ?
Dorénavant, le petit Gilbert établit dans la forêt le domicile de son âme. (…) Pour la forêt, cet enfant qu’on appellera l’homme des quatre Révolutions fit sa première révolution ».


 A suivre…

Réseaux racinaires, par Maud Boulet

Maud Boulet étudie en Master 2 d’Arts Plastiques à Rennes. Elle vient, parmi de jeunes artistes, d’être primée par un concours  « Les Artistes de demain » organisé par la Galerie Double S, associée  au Festival des Arts Foreztiers (Sylvie Dallet participe du Jury du concours) Ce concours sélectionne des oeuvres dédiées aux Quatre éléments et à la Nature, qui seront exposées en la galerie Double S  (15 rue Guénégaud, Paris) en juillet 2015.

Les dessins de Maud Boulet seront apportés et présentés au Festival des Arts Foreztiers par la Galerie Double S. Maud Boulet a crée pour le Festival un arbre  d’encre sur carte marine :

Dessinatrice de formes aquatiques et nébuleuses,  elle décrit  ainsi son travail :

« La Forme gonflée et tortueuse flotte comme une racine tirée de la terre.

Elle est issue de la rugosité de la nature végétale ;

écorce, tronc noueux, réseaux racinaires. »

L’Arbre en nous a parlé

Le poète et romancier François Cheng,  de l’Académie française a écrit, en 1998, ces mots éblouissants :

« Nous n’y pouvons rien /L’arbre en nous a parlé. »

La tradition juive et chrétienne accorde une place de choix aux arbres, par leur réalité même (la Bible mentionne une soixantaine d’espèces ligneuses), tant par les analogies spirituelles : bois du sacrifice et de la construction, ils sont toujours arbres de vie et des pourvoyeurs inlassables de cadeaux pour les humains. Un des Psaumes de la Bible dit ceci : Le juste poussera comme le palmier, il grandira comme le cèdre du Liban. Saint Bernard (1090-1153) est, avec Saint François d’Assise (1181-1226), régulièrement cité dans le Moyen Âge chrétien pour son attention aux arbres :

« Crois-en mon expérience : tu trouveras quelque chose de plus dans les bois que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront ce que tu ne pourrais apprendre des plus grands maîtres ».

Au tournant du XXIème siècle, le Pape Jean-Paul II rappelle aux pélerins de Noël les bienfaits des arbres en ces termes : « Déjà, dans mon pays, j’aimais beaucoup les arbres. Lorsqu’on les regarde, ils se mettent en un certain sens à parler. Un poète considère les arbres comme des prédicateurs portant un message profond : Ils ne prêchent pas des doctrines et des recettes, mais annoncent la loi fondamentale de la vie. A travers la floraison du printemps, la maturité de l’été, les fruits de l’automne et le déclin de l’hiver, l’arbre raconte le mystère de la vie. C’est pourquoi les hommes, depuis les temps anciens, ont adopté l’image de l’arbre pour réfléchir sur les questions principales de la vie. (…)

« Comme les arbres, les hommes aussi ont besoin de racines profondément ancrées dans la terre. Seul celui qui est enraciné dans la terre fertile possède la stabilité. Il peut s’élever vers le haut pour accueillir la lumière du soleil et peut, dans le même temps, résister aux vents autour de lui. Mais celui qui croit pouvoir vivre sans fondement vit une existence incertaine qui ressemble à des racines sans terre (…) L’Apôtre Paul nous donne un bon conseil : Comme les arbres qui ont en Lui ses racines, appuyez-vous sur votre foi telle qu’on vous l’a enseignée. (…)  Recevez comme don le message de l’arbre, tel que l’a exprimé le Psalmiste :

Heureux l’homme […] qui se plaît dans la loi du Seigneur [et] murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté auprès des cours d’eau ; celui-là portera fruit en son temps et jamais son feuillage ne sèche ; tout ce qu’il fait réussit.  »

Arbres et Anabase

Le poète mauricien  Khal Torabully, compose sous ce titre un recueil de poèmes après un intense séjour en Guadeloupe. Ses poèmes sont des hymnes aux arbres caraïbes, dont ce   lamantin, « arbre dont les pieds/ chassent l’empreinte du soleil/et les murmures de la vie.. ». il rejoint par ses évocations brûlantes le souffle  du romancier Stephen Alexis et ses magnifiques « arbres musiciens »…

« Chêne dans une terre
olivier dans le désert,
banyan dans la poussière,
les noms que tu me donnes
ressemblent à une dévotion
venue de la rencontre
entre toi et la naissance du monde« 

L’arbre d’or

Du hameau d’Aubaron ( Fix-Saint-Geneys – Haute Loire), le compositeur Dominique Reynier nous envoie cette chanson… tandis que de Pébrac (Haute-Loire, Atelier du Panoramique auvergnat),  Anne- Marie Wauquier nous adresse son arbre aux monts du Dévès…

La vitre est sale /Larmes salées
De solitude / Le ciel se voile
Aux cils bleutés/  De lassitude

Refrain :  Ris le temps et chante l’heure /Pour l’arbre d’or que plie le vent

Aux rideaux blancs / Le chant des ans
Mêle des rides / Lève le pan
D’un geste lent / Trouve le vide

Refrain :   Ris le temps et chante l’heure / Pour l’arbre d’or que plie le vent

Nuages gris/ Hors de la tête
Déchire le pli/ De ta fenêtre
Au ciel à mis/ Un peu de fête
Un oiseau crie/ Ton cœur s’arrête

Refrain : Ris le temps et chante l’heure / Pour l’arbre d’or que plie le vent


Aubaron aux framboisiers (Photo Sylvie Dallet)

« L’arbre doit baigner dans la clarté » par Antoine de Saint Exupéry

« Ce poète, un soir auprès du feu dans le désert, racontait simplement son arbre. Et mes hommes l’écoutaient, dont beaucoup n’avaient jamais vu qu’herbe à chameau et palmiers nains et ronces. « Tu ne sais pas, leur disait-il, qu’est un arbre. J’en ai vu un qui avait poussé par hasard dans une maison abandonnée, un abri sans fenêtres, et qui était parti à la recherche de la lumière. Comme l’homme doit baigner dans l’air, comme la carpe doit baigner dans l’eau, l’arbre doit baigner dans la clarté. Car planté dans la terre par ses racines, planté dans les astres par ses branchages, il est le chemin de l’échange entre les étoiles et nous. Cet arbre, né aveugle, avait donc déroulé dans la nuit sa puissante musculature et tâtonné d’un mur à l’autre et titubé et le drame s’était imprimé dans ses torsades.  (…)
« Et je le voyais chaque jour dans l’aube se réveiller de son faîte à sa base. Car il était chargé d’oiseaux. Et dès l’aube commençait de vivre et de chanter, puis, le soleil une fois surgi, il lâchait ses provisions dans le ciel comme un vieux berger débonnaire, mon arbre maison, mon arbre château qui restait vide jusqu’au soir… »

Ainsi racontait-il, et nous savions qu‘il faut longtemps regarder l’arbre pour qu’il naisse de même en nous. Et chacun jalousait celui-là qui portait dans le cœur cette masse de feuillage et d’oiseaux.

Antoine de Saint-Exupery.

Deux interprétations de l’arbre en nous…

Main soir Chavaniac (photo Sylvie Dallet)
Main soir Chavaniac (photo Sylvie Dallet)
La main feuillue  où l'arbre des amoureux (dessin Georges Seror)
La main feuillue où l’arbre des amoureux (dessin Georges Seror)

Le cœur peuplier

Dans la mythologie slave, Bouïane (en russe Буя́н) est une île légendaire, qui a la capacité d’apparaître et de disparaître à volonté. Trois frères y vivent : le Vent du Nord, le Vent d’Ouest et le Vent d’Est. Il s’y passe nombre d’évènements étranges. Kochtcheï l’Immortel y cache sa mort dans une aiguille à l’intérieur d’un œuf, dans un chêne mystique (l’Arbre du Monde). Ce chêne croît sur la Pierre-Alatyr, « père de toutes les pierres », désignant le centre du monde : qui saurait la trouver verrait tous ses désirs comblés.Peuplier de la rue des Pleus (photoSylvie Dallet)

Dans l’inspiration des Arts ForeZtiers,  pour un projet autour des métamorphoses d’Ovide (ici, la métamorphose des jeunes filles en peupliers) Vero Bene a conçu  et dessiné ce peuplier aux racines proches de l’eau, dont le tronc cache un cœur…  Cette légende du cœur de l’arbre tire ses racines d’un conte égyptien très ancien :   Le Conte des deux Frères (xve siècle avant notre ère) raconte que pour échapper à ses ennemis, le héros Bitiou place son cœur « au sommet de la fleur de l’Acacia. »

Comme un fragment de Desnos qui résonne  :

« Il était un arbre au bout de la branche
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur
Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit. »

L’arbre de la science

Adam & Eve (Molas-mexique)
L’arbre de la science doit être approché avec respect : la science sans conscience n’est  que ruine de l’âme… Ici, le Milieu du Monde est un simple rectangle de tissu rouge que les Indiennes brodent de couleurs pour orner leurs vêtements de récits symboliques et raffinés.
Pura_Ayung(INDONESIA)
En Indonésie, les arbres blessés se réparent grâce aux constructions humaines… (photo Laurence Honnorat)